Numéro 12 régional

A69 –  » tous les moyens sont bons pour les arrêter « 

Entre Castres et Toulouse, la mobilisation contre le projet d’autoroute A69 s’intensifie. Une ZAD à plusieurs étages, une expulsion ratée, des engins de chantiers qui s’enflamment, des milliers de personnes qui manifestent et pétitionnent. Comme une odeur de Notre-Dame-des-Landes ?

Depuis la grande manif’action des 21 et 22 octobre rassemblant 10 000 personnes et l’évacuation immédiate de la Crem’Zad à Saïx, un nouveau collectif, le Labo des Terres, s’ancre sur le territoire fort de deux bases arrières : le Hangar, 600 mètres carrés de bâtiments agricoles aménagés à Puylaurens et le Labo, ancien laboratoire situé sur les coteaux de la vallée du Girou, à Lacroisille.

Après l’évacuation des campements et les coupes d’arbres à la mi-octobre, l’occupation s’est poursuivie avec la défense de plusieurs zones boisées du tracé, retardant les coupes. Avant de s’installer depuis la mi-novembre dans l’ultime forêt menacée à Saïx, qui compte plusieurs arbres tricentenaires. La Crem’Arbre, voisine de la feue Crem’Zad, rassemble ainsi des dizaines de personnes qui ont aménagé l’espace pour résister aussi longtemps que possible à la menace des abatteuses. Que ce soit dans un hamac à 17 mètres de haut, dans une cabane perchée ou au sol, la défense des arbres et la lutte peut y prendre de multiples formes.

Dans un communiqué, les militant·es qualifient leur occupation comme « un îlot de plus dans l’archipel des zones d’expérimentation, de défense et de soin, pour préparer un futur, libéré de toutes les dominations qui nous ont amenées à nier le vivant, à empoisonner les sources, la terre et l’air pour construire une route de trop. Ici se construit une terre d’espoir et d’imaginaires. »

En lien avec les collectifs qui maintiennent l’opposition sur le territoire depuis trente ans ainsi que les recours juridiques – portés par La Voie est libre, la lutte contre cette autoroute, qui va artificialiser 300 hectares de terres agricoles ou naturelles, se consolide au quotidien. De leur côté, l’État, la région et le concessionnaire, Atosca-NGE, jouent la montre en accélérant les travaux. L’objectif est clair : avoir bitumé le tracé pour imposer un état de fait le jour où sera étudié le recours sur le fond…

Sabotages et pétitions

L’enjeu est donc d’empêcher les travaux, par tous les moyens. Pour cela les lieux d’occupation, la Crem’Arbre et le Labo Des Terres, accueillent joyeusement tous ceux et celles qui souhaiteraient s’impliquer. La campagne d’actions locales et nationales nommée « le grand Carnaval » a lieu du 15 janvier au 17 février afin de « démasquer la MAFIA69 ! ». L’idée est que chaque mercredi soit proposée une série d’actions à réaliser partout en France, couplée à des actions sur le tracé de l’autoroute.

La lutte se dirige également contre l’implantation d’usines à bitume préparant le revêtement de l’autoroute. La manif’action du 9 décembre, dans la bruine de Saint-Germain-des-Près, a permis de lever le voile sur leur impact : air et sols pollués sur des kilomètres. Leur installation, notamment près d’écoles, suscite une colère montante et la création de collectifs d’habitant·es « Sans bitume » dans plusieurs villages. Par ailleurs, après quelques pelleteuses et utilitaires du concessionnaire NGE, en octobre des militant·es ont à nouveau « désarmé » des toupies à béton de Carayon, cimentier impliqué sur le projet, ainsi que des locaux du promoteur immobilier Bardou.

Aujourd’hui la surveillance s’est généralisée : dispositifs de caméra, détecteurs de mouvements, présence continue et filatures par des gendarmes et agents de sécurité privée. Les procès s’enchaînent, huit sont programmés d’ici au mois d’avril, et des dizaines de militant·es sont sous le joug d’un contrôle judiciaire contraignant.

En parallèle de la bataille juridique, une pétition pour interpeller l’Assemblée nationale a dépassé les 50 000 signatures, entraînant un débat en commission à l’Assemblée début février. Les députés écologistes ont par ailleurs lancé une commission d’enquête parlementaire sur ce « chantier écocide ».

Une alliance des pratiques, de l’action directe aux recours juridiques, et une détermination à faire échouer les projets des bétonneurs : la recette a déjà fonctionné… Une vision partagée par les opposant·es de la Crem’Arbre : « Nous gardons la joie avec nous quelle que soit la violence qui nous est opposée car nous sommes catégoriques : les arbres resteront debout, leurs projets autoroutiers sont illégitimes et tous les moyens sont bons pour les arrêter. »

Le 20 janvier, manifestement hors de tout cadre légal, le préfet Vilbois envoie deux cents forces de l’ordre vandaliser la Zad, qui est sur un terrain privé. Ils détruisent la zone avec une pelleteuse, piquent les affaires personnelles qu’ils trouvent, et repartent. L’expulsion échoue et renforce la détermination des occupant·es.

Pour rejoindre la Crem’Arbre :

Route de la Crémade, Saïx, 43.5930, 2.1555,

+ d’infos au 07.48.49.96.05

Telegram t.me/stop_a69

Carole Delga : pour la bagnole, contre le train

Alors que le budget de l’A69 tourne autour de 500 millions d’euros, le 14 décembre la présidente PS de la région Occitanie assure qu’ « il n’y a pas d’alternative » à cette autoroute. Elle affirme que le doublement de la voie ferrée entre Toulouse et Castres (sur environ 75km) et son électrification couterait un milliards d’euros.

Pourtant, le comité toulousain contre l’A69 explique qu’avec 100 à 140 millions d’euros, on peut électrifier la ligne existante, moderniser la signalisation, créer ou renforcer quelques points de croisement, acheter des trains supplémentaires ; le tout avec un cadencement de trains à la demi-heure de cinq heures du matin à minuit !
Face à cette évidence Delga s’apprête au contraire à dégrader, au profit du projet de LGV Bordeaux – Toulouse, la double voie d’entrée en gare de Toulouse qui est aujourd’hui dédiée aux trains venant de Castres-Mazamet, de l’Aveyron, de l’est du Lot et d’Auvergne. Elle est aussi sur le point de « déferrer » des doubles voies en gare de Vielmur-sur-Agout et de Labru- guière, dans le Tarn, qui seraient justement nécessaires pour des croise- ments de trains cadencés ! La présidente de Région affirme également que la ligne Toulouse-Castres « est une voie unique non électrifiée sur laquelle circulent des locomotives diesel ». Mais deux jours après, la Région et la SNCF inauguraient le premier train hybride à batteries de France sur la ligne… Toulouse-Castres-Mazamet !

Photo : Antoine B