Numéro 7 régional

Contre l’agrivoltaïsme, l’autonomie paysanne

Depuis quelques années, les panneaux photovoltaïques pullulent dans les champs. La condition à ces installations ? Que quelques brebis continuent de pâturer dessous… Le monde paysan étant encore dubitatif, le service marketing de l’agro-industrie sort de son chapeau « l’agrivoltaisme », pour faire croire aux bienfaits de l’association entre animaux, cultures et panneaux métalliques. Et puisque ce n’est jamais assez, les espaces naturels et forestiers sont aussi concernés. Si plus de 200 projets ont été autorisés en 2021, de nombreux collectifs refusent de voir leurs campagnes couvertes de panneaux.

À l’avenir les « énergiculteurs » remplaceront-ils les paysans et paysannes ? Comme d’habitude, cette nouvelle lubie de l’agro-industrie est promue par Macron. La prochaine loi dite d’accélération des énergies renouvelables, si elle est votée cet automne, « va permettre d’aller plus vite sur l’agrivoltaïsme » (1) nous explique le président. Selon lui le photovoltaïque (PV) doit devenir un revenu complémentaire à l’agriculture. Plus largement, avec cette loi le déploiement des projets de production d’électricité relèverait de « la raison impérative d’intérêt public majeur », permettant de déroger à la protection d’espèces protégées et de « réduire le nombre de contentieux, qui sont sources de retards et difficultés pour les projets ». Les avis des autorités environnementales n’arriveraient qu’à la toute fin des enquêtes publiques, lesquelles seraient ainsi simplifiées à l’avantage des industriels. Mieux encore, l’article 19 prévoit d’acheter le silence des riverains en leur octroyant des tarifs réduits d’électricité.

Mais pourquoi cette nouvelle mode consistant à sacrifier des espaces agricoles ou forestiers ? Uniquement pour des raisons financières. Car si les industriels mettent en avant le coût élevé du PV sur toitures, l’Ademe (L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) explique pourtant que l’installation du photovoltaïque sur les toitures au lieu de le mettre au sol coûterait seulement 500 millions d’euros annuels soit 2% du coût annuel des énergies renouvelables. Considérant que « les surcoûts pour le système sont faibles » (2), elle préconise de privilégier les modèles en toiture « pour éviter d’occuper des sols agricoles et de nuire à l’image de cette énergie renouvelable » (3). Cette agence démontre qu’en mobilisant les friches industrielles et les parkings, on pourrait produire 53 GW, et évalue que les toitures industrielles à elles seules permettraient d’installer 123 GW. Au total, de quoi faire turbiner 176 GW sans toucher aux surfaces agricoles. À l’inverse, si l’objectif de Macron d’installer 100GW de panneaux solaires se réalisait par une installation au sol, cela couvrirait 100 000 hectares de terre.

Pour les margoulins de l’agro-industrie, le monde agricole reste donc à convaincre. C’est ici que la notion d’agrivoltaïsme intervient, mettant en scène la « synergie » du PV avec l’agriculture. Ainsi lors de l’instruction des permis de construire, des panneaux posés sur des ombrières ne sont plus considérés comme destinés à produire d’abord de l’électricité, mais constitueraient principalement un « espace abrité » pour l’activité agricole. Cela permet aux promoteurs de ne pas soumettre leur projet à la DDT (Direction Départementale des Territoires) mais de le présenter directement auprès des mairies, bien moins armées pour instruire des permis de construire et s’opposer aux industriels.

Créer des nuages ou mettre des panneaux ?

Au Sénat, les lobbys de l’industrie semblent avoir sonné à la bonne porte. Des élu.es de l’UDI, dans une proposition de loi récente, assument sans ambages une vision où l’agriculteur devient un rouage de l’industrie de l’énergie. Les voilà donc en quête de justification agronomique : « Ces panneaux protègent les plantations des aléas climatiques et du réchauffement climatique, l’ombrage fourni par les panneaux permet d’éviter une évaporation de l’eau trop importante, ces installations contribuent à protéger les élevages s’inscrivant dans une dynamique du bien-être animal ». Les panneaux permettraient même une amélioration « de l’écosystème agricole, du bilan carbone ou du verdissement ou le retour de l’avifaune ». La magie du lobbying… C’ est dit avec un tel aplomb, que l’on en oublierait que les arbres remplissent ce rôle !

Joint par téléphone, le directeur de l’Association Française d’Agroforesterie, Fabien Balaguer, remet les pendules à l’heure : « On essaye de nous faire croire que l’on n’a plus le temps de faire pousser des arbres, et donc on met des panneaux parce que l’on met de l’ombre plus vite. La grosse différence entre l’arbre et le panneau concernant l’ombre, c’est qu’avec un arbre vous avez une ombre froide et humide et avec un panneau vous avez une ombre sèche et chaude, il suffit de se mettre sous un arbre et ensuite de se mettre sous un truc métallique et voir la différence ». Il dénonce « un cheval de Troie » avec des « industriels qui essayent de faire croire que cela va aider l’agriculteur ». Selon lui, « il n’y a qu’à regarder le pouvoir de stockage carbone d’un panneau, le pouvoir de reconstruction des habitats et de la biodiversité, pareil sur le cycle de l’eau. En fait ce qu’il faut c’est de la photosynthèse et de la transpiration : ce qu’il manque aujourd’hui c’est des nuages, si on résume. C’est cela qui laisse penser qu’avec des arbres on peut avoir plus de résultats et surtout à plus long terme. On est dans une société qui a le don de la contradiction et qui essaye de faire des panneaux dans les champs et de l’agriculture sur les toits, y a peut être un truc à remettre en ordre. »

Défendre l’agro-industrie ou les paysans ? 

Opportuniste, le syndicat La Coordination Rurale tente de justifier son ralliement aux velléités de l’agro-industrie : « Face au manque de rémunération des produits agricoles, l’agriculture française et les agriculteurs doivent savoir saisir toutes les opportunités qui se présentent, il est évident que des centrales photovoltaïques seront installées sur des terres agricoles ». Quant à la FNSEA, elle vient de signer avec l’Assemblée des Chambres d’Agriculture et EDF une « charte de bonnes pratiques ». La mise en place de « comités de suivi » ou la limitation de la durée des centrales à 35 ans sont au menu de ce simulacre qui déroule le tapis rouge aux industriels. Du côté des chambres, cet empressement à emboîter le pas des industriels a peut-être des raisons cachées. La Conf dénonce en effet une « manne financière qui génère des conflits d’intérêts pour les chambres d’agriculture qui récupèrent les financements issus de la compensation collective agricole ». C’est un comble : les industriels payent « une amende » aux chambres pour avoir dégradé les terres agricoles, ce qu’elles ont elles-mêmes encouragé en amont ! Pour enfoncer le clou, celles-ci sont chargées des études de suivi, qui sont réglées… par les industriels.

Mais à certains endroits, avec un rapport de force syndical plus favorable, les choses peuvent s’inverser. Ainsi en Aveyron, grâce à la Confédération Paysanne, la Chambre d’Agriculture dénonce « le renchérissement et la spéculation sur le foncier, la concurrence entre destination alimentaire et énergétique des surfaces agricoles et les risques accidentels d’ incendies », en concluant : « Les sociétés photovoltaïques se tournent de plus en plus vers les terres agricoles par effet d’opportunité et intérêt financier » (4). Position similaire dans le Gers, où la Chambre explique que l’agrivoltaïsme « ne recoupe actuellement aucune réalité productive agricole démontrée ».

Dans ce débat qui prend une ampleur nationale, la Conf était jusqu’alors la seule organisation nationale à sexprimer contre les projets sur des terres agricoles, naturelles et forestières. Pour elle, « une motivation essentielle est la qualité de vie au travail, en plein air, dans un cadre beau, regarder le ciel et écouter le chant des oiseaux : nous défendons un rapport sensible au monde qui nous est primordial. Travailler sous des panneaux c’est dégrader notre qualité de vie au travail, mais aussi l’environnement et les paysages de tous pour le bénéfice de quelques propriétaires et promoteurs. Quelle que soit sa surface, un parc photovoltaïque sur des terres agricoles et naturelles, est une installation de nature industrielle (…) Nous refusons l’industrialisation des campagnes » (5). Puis le 22 septembre, un coup de théâtre advient dans le monde agricole. Les Jeunes Agriculteurs, organisation proche de la FNSEA, ont décidé « de durcir le ton et de s’opposer à la poursuite de tout projet agrivoltaïque ». Ils exigent un moratoire « face à une volonté de l’État et des énergéticiens d’accélérer brutalement le développement de l’ agrivoltaïsme en France. Le syndicat demeure un franc opposant au développement du photovoltaïque au sol. La stricte priorité doit demeurer l’installation d’agriculteurs et non de panneaux solaires ».

L’aliénation des paysans

Dans son livre « Reprendre la terre aux machines », l’Atelier Paysan explique que les paysans sont devenus après-guerre des ouvriers totalement dépendants de l’agro-industrie, bien que déguisés en « chefs d’exploitation ». Dans le cas présent, les rémunérations payées par les industriels sont la clé de voûte de l’arnaque agrivoltaïque : sans elles, aucun paysan n’accepterait de brader ainsi ses terres. Dans un contexte où les paysans sont endettés en moyenne de 200 000 euros, où les prix de vente des produits agricoles sont très faibles, les loyers offerts par les industriels, estimés entre 2500 et 5000 euros par hectare et par année, sont souvent vécus comme une issue de secours, alors qu’ils transforment des paysans en sous-traitants de l’industrie. La Conf’ assène cette évidence : « Notre métier n’est pas de produire de l’énergie. L’Agriculture Paysanne doit permettre à un maximum de paysan.nes répartis sur tout le territoire de vivre décemment de leur métier en produisant sur des exploitations à taille humaine une alimentation saine et de qualité ». Et la Conf de l’Aveyron de mettre en garde : « La contrepartie financière peut sembler alléchante rapportée à nos revenus bien qu’en mettant notre outil de production à disposition de ces sociétés, nous les enrichissons » (6).

Qui plus est, c’est l’autonomie dans le choix des pratiques qui est aussi mise en cause. Car la présence de panneaux réoriente les choix agronomiques vers ce qui est compatible avec leur présence. D’ailleurs, l’Ademe se contorsionne pour masquer cette dépendance et propose que les projets soient « adaptables » et « flexibles ». Mais imaginons que l’éleveur bovin sous panneaux décide de passer à l’arboriculture de plein vent, les multinationales viendront-elles démonter leurs installations ? Bien sûr que non ! Ainsi selon la Conf, cela « relève du marketing et vise à légitimer un opportunisme foncier et financier dans un contexte difficile pour le monde paysan. L’agrivoltaïsme éloigne de l’autonomie : il ajoute à la dépendance au complexe agro-industriel (industries de la grande distribution, des engrais, pesticides et semences, machines agricoles, banques, organisations syndicales défendant leurs intérêts) une autre dépendance plus moderne et consensuelle car porteuse de l’image de l’énergie renouvelable ».

Delga sous le soleil de Sun’Agri

Entre 2009 et 2018, 3300 hectares (soit 4541 terrains de foot) ont été artificialisés en moyenne chaque année en Occitanie. Cette modification des terres est le facteur direct le plus important dans l’effondrement de la biodiversité. Et si la région est la première productrice en France avec 41% de la puissance photovoltaïque installée, elle veut encore la multiplier par 12. C’est dans ce contexte que la Mrae (Mission Régionale de l’Autorité Environnementale de l’Occitanie) explique qu’en 2021, sur 111 dossiers soumis à évaluation environnementale, 33 concernaient le photovoltaïque : « De nombreux projets, souvent avec des ampleurs très importantes, prennent place sur des secteurs à enjeux environnementaux. Ces projets relèvent plus d’une recherche d’opportunité foncière ».

Ce qui n’a pas l’air d’inquiéter du tout Agnès Langevine, vice-présidente de la région, qui usurpe le langage macroniste : « Il faut simplifier les procédures, notamment les délais d’instruction [du PV] Si l’on n’arrive pas aujourd’hui à faire sauter tous ces verrous et à massifier, je ne sais pas si on y arrivera un jour. À l’échelle de l’Occitanie, il faut identifier tous les projets qui sont en stock, examiner les freins réglementaires d’acceptation ou financier, et tout faire pour en sortir le plus rapidement possible » (7).

Ainsi, et afin de mieux faire passer la pilule solaire, les élu.es régionaux font appel à Antoine Nogier, qui dirige le lobby France Agrivoltaïsme. S’il se fait le chantre de l’agrivoltaïsme « vertueux », son entreprise Sun’Agri est en train de se faire racheter par Eiffage, géant du BTP et des autoroutes. Pragmatique, Nogier évoque alors « une alliance avant tout industrielle » (8). Et auprès de ses pairs financiers, il oublie ses envolées lyriques : « Nous sommes maintenant dans le business. Nous sommes développeurs et investisseurs, c’est une activité très capitalistique » (9). Il voudrait même nous faire croire que « l’objectif est bien de permettre aux agriculteurs de s’adapter et de devenir résilients au changement climatique » (10). Contacté par téléphone, il persiste : « le premier but n’est pas de produire de l’électricité mais celui de protéger les cultures » . Pourtant Stéphane Péré, le directeur de l’Agence régionale Énergie Climat de l’Occitanie (AREC), explique lui-même qu’avec Sun’ Agri « l’agriculteur se finance par l’électricité produite ». Cette agence est par ailleurs un des meilleurs soutiens de Nogier, le nommant lauréat par sept fois, puis en entrant avec un million d’euros au capital de la Société Agrivoltaïque d’Occitanie, fondée par cet homme d’affaire.

Si Delga critique « cette forte croissance [qui] ne doit pas s’effectuer au détriment des terres agricoles », en affirmant « privilégier les implantations en toiture ou en brise-soleil et dans les espaces impropres à d’autres usages » (11), la Région a pourtant signé une convention avec Sun’Agri visant à faciliter les projets avec des communes et à sensibiliser « l’écosystème bancaire afin de convaincre les investisseurs frileux de l’utilité et de la rentabilité de la solution agrivoltaïque » (12). Delga promeut ainsi une agriculture où chaque hectare coûte 800 000 euros de matériel et où chaque parcelle est gérée par intelligence artificielle à partir du centre de supervision de cette société, basé à Lyon. Car « le cœur du réacteur de Sun’agri, c’est le numérique » (13), insiste le PDG, qui aliène le monde paysan à sa technologie.

Vincent Labarthe, le vice-président à l’agriculture de la région, ne peut assumer ouvertement cette vision des choses. C’est pourquoi il tente de faire croire à la défense des terres agricoles… huit mois après que la région et l’AREC aient décerné des prix à Sun’ Agri : « Elles sont rares et elles méritent d’être préservées. Le développement [du PV] peut parfois paraître comme un fléau. L’on ne doit pas le faire au détriment des zones agricoles ou des zones où la biodiversité est présente » (14), déclare-t-il. Mais alors, comment légitimer l’atteinte aux terres ? Grâce à la participation citoyenne… C’est ainsi que le premier « parc solaire citoyen » de France à Luc-sur-Aude, réalisé en défrichant une pinède, reçoit les félicitations de Delga : « c’est un modèle que je vais promouvoir » fanfaronne-t-elle (15). Le parc a été lauréat du projet régional « ENR citoyennes » et a reçu 100 000 euros. « Côté entretien, les brebis et les actionnaires nettoient le site une fois par an », jubile TF1. Le maire, berger de ces brebis citoyennes, avoue que « même si c’est petit, c’est un objet industriel » (16). La même supercherie a lieu dans la Vallée du Célé dans le Lot, où Labarthe et Langevine paradent au milieu des brebis et des panneaux, au détriment des genévriers rasés, le tout installé par Enercoop.

Tsunami de projets dans l’Aude

« Je le vois un peu comme un raz de marée : tous ces projets, cela fourmille », nous rapporte Justine Bianconi, porte-parole de la Confédération Paysanne de l’Aude. Dans les six premiers mois de 2022, sur 15 projets portant sur 300 hectares, seuls deux étaient sur des zones industrielles. Début 2022 dans la Montagne Noire, le délégué Fdsea présenta l’agrivoltaïsme lors d’une réunion. Justine Bianconi poursuit : « À ce moment-là, j’ai pris la parole en disant : « je comprend pas, vous nous posez même pas la question si l’on veut devenir des producteurs d’énergie photovoltaïque ! ». Cela a engagé un débat, certains ont dit « oui mes vaches, j’ arrive plus à leur payer du foin, c’est la galère. Moi on me propose un revenu, je le prends car de toute façon je ne pourrai plus faire de l’agriculture ». Et d’autres qui disaient « oui mais attends, en agriculture on doit vivre de nos revenus, des produits que l’on vend et on va pas se passer en plus de nos meilleures terres ». Et si en Aveyron l’industriel Voltalia propose des grattoirs pour les vaches au milieu des panneaux, dans l’Aude c’est l’hameçon des clôtures qui est tendu aux éleveurs : « Ici on a un voisin qui ne pense pas à la transmission et qui dit « les terres c’est moi qui vais les garder », raconte Justine. « Il me dit que les promoteurs vont faire un grand parc et vont le clôturer… et là j’ai fait « mais quand on est éleveur, faire de la clôture c’est un peu la base du métier non ? » ».

Auchan, la vie, la vraie

Les projets de PV dans l’Aveyron illustrent bien le manque de scrupules d’investisseurs envers l’environnement. Sur le Causse Comtal, le Touroulis (ou œdicnème criard) est un oiseau des steppes qui s’accommode mal de l’horizon obscurci par les panneaux. En ces lieux « quasi médiévaux », selon les deux Communautés de Communes concernées, il existe la plus forte présence de dolmens de France. Cela n’a pourtant pas empêché Akuo et son PDG Eric Scotto de déposer un permis de construire puis de le retirer sous la pression de 21 000 personnes ayant signé une pétition et de l’opposition de 54 organisations régionales et nationales. De son côté la société Voltalia, aux mains de la famille Mulliez qui est à la tête d‘un groupe de grande distribution (Auchan, Décathlon, Kiabi, etc.), souhaite implanter son projet là où se situent, en plus du touroulis, les principales stations du Séneçon de Rodez, une plante emblématique du Causse Comtal. Mais l’Office Français de la Biodiversité met en garde la 5ème fortune de France : « La zone du projet est celle où il y a la présence de la plus grande diversité de flore protégée. L’installation de panneaux va modifier les températures et l’ombrage et ainsi avoir un impact sur les conditions de développement de la flore locale très particulière » (17). Même la DDT s’y met en dénonçant l’industrialisation des campagnes : « Ce projet remet en cause l’identité et la qualité paysagères de ce petit causse [qui la rend] incompatible de fait [avec] ce projet industriel. Le rapport d’échelle pourrait être inversé entre un paysage naturel et un paysage industriel » (18). La farce est à son comble lorsque les membres de la commission environnementale de la préfecture de l’Aveyron demandent à l’entreprise si elle dispose de données scientifiques sur l’implantation de PV sur des pâtures à bovins. La société avoue qu’aucune donnée n’existe à ce jour et qu’elle initie une expérimentation qui sera lancée début 2023 sur une superficie de 5000 m2 !

Mais bien qu’ils ne puissent pas produire d’étude, les VRP de Voltalia ont le sens du comique. Une famille qui rechigne à voir apparaître 80 hectares de PV à 100 mètres de ses gîtes en pleine nature, vient d’en faire les frais. « Le plan cela pourrait être de rénover et de vendre » a suggéré un représentant de Voltalia. Et de poursuivre : « Nous on va pas vous mentir en disant qu’il n’ y a pas d’impact en faisant du photovoltaïque ». Mais, à ces habitants qui ne comprennent décidément rien à rien, il lâche : « Peut-être on peut vous proposer un accompagnement pédagogique autour de cela… » Avant de partir, ils tentent une dernière cartouche pour dissimuler les hectares de panneaux métalliques : « On envisage de planter une haie de frênes pour amplifier la masse boisée  ». « Oui mais l’hiver ? », demandent les habitants -« Comment cela l’hiver ? » -« Bien ils perdent les feuilles », précisent-ils aux VRP qui restent pantois…

Loïc Santiago / Illustrations : Marco

1 : Discours lors de la Fête Terre de Jim, dans le Loiret, 09/09/22.

2 : ADEME, « Un mix électrique 100% renouvelable ? », 2015.

3 : Les Échos, 25/06/18.

4 : Motion du 15/11/21.

5 : Positionnement du 7/09/22.

6 : Positionnement de la Conf Aveyron, 2021.

7 : « L’urgence c’est maintenant », Boudu le Mag, 07/05/22.

8 : Greenunivers.com, 01/09/22.

9 : Les Echos, 14/06/21.

10 : PV-magazine, Sun’Agri reçoit un soutien fort de la région Occitanie, 11/10/19

11 : Communiqué du 16/01/18.

12 : Op. Cit. PV-magazine, 11/10/19.

13 : Ibid.

14 : Séance plénière du 17/12/20.

15 : Centrale solaire citoyenne de Luc Sur Aude, vidéo YouTube du 15/11/18.

16 : Ibid

17: Mission Inter-Service Aménagement des Paysages Aveyron, février 2022.

18: Ibid

L’agrivoltaïsme s’attaque au Larzac

Le projet Solarzac, porté par Arkolia, dont la société générale est actionnaire, menace cette zone Natura 2000 et Grand Site de France sur 200 hectares. Les naturalistes montent au créneau, et Didier Hermant, président du comité scientifique du Parc naturel régional des Grands Causses, dénonce « le prétexte de développement des énergies renouvelables [qui] ne peut se substituer au maintien d’écosystème remarquables et irremplaçables.». C’est au point que le Conseil Scientifique de l’Unesco fasse une sortie : « la valeur universelle exceptionnelle de ce bien unesco s’illustre par le façonnage millénaire des milieux naturels par l’activité agropastorale et repose de ce fait sur des paysages remarquables. L’État français a pris l’engagement de [le] préserver ». Par deux fois, la Commission Nationale du Débat Public est venue passer de la pommade pour adoucir l’opposition. « Nous avons boycotté les ateliers et avons manifesté lors des réunions publiques », raconte Claudine de l’association Terre du Larzac. Et l’association de mettre en garde : « Les explications des dirigeants d’Arkolia sont toujours aussi ambiguës et prennent toujours les gens pour des billes. Le ton va changer ». Bientôt un nouveau Larzac ?