Albine, 1912-1913 « Un village en état de siège »
Il y a plus d’un siècle, un petit village au fin fond de la montagne noire était le théâtre d’une répression sans mesure et d’un grand élan de solidarité. En cause, un conflit de plusieurs mois autour d’une usine de délainage, avec des affrontements violents et inhabituels entre des ouvrier·es victimes d’un lock-out et des patrons puissants et inflexibles. De ce conflit ancien et peu banal émergent de nombreuses problématiques des luttes passées, présentes et à venir.
Fin décembre 1912, la presse nationale et régionale fait état des « troubles graves » qui viennent de se dérouler aux « usines d’Albine » appartenant à messieurs Galibert et Sarrat, des industriels de Mazamet. La Croix, l’Aurore, le Journal, la Bataille, la Petite République, l’Humanité, la Dépêche donnent à leurs lecteurs des versions assez similaires, à l’instar du Temps, le quotidien très prisé de la bourgeoisie qui relate dans son édition du 27 décembre 1912: « […] Une ouvrière, dont ses anciennes camarades parvinrent à s’emparer, fut jetée à terre, traînée sur le sol, frappée et blessée. Un ouvrier […] que l’on considère comme meneur fut arrêté, mais les femmes qui avaient frappé se barricadèrent chez elles et les autorités du pays durent attendre des forces supplémentaires de gendarmerie pour procéder à leur arrestation. Hier matin l’on a pu en arrêter une ; une seconde est en fuite dans la montagne ; les autres se disent malades. Au moment où la gendarmerie se préparait à conduire ses prisonniers au train, une colonne de chômeurs lui a barré la route et les gendarmes ont été frappés et bousculés ; ils ont cependant pu procéder à une troisième arrestation […] et gagner la gare. Albine reste en effervescence. [Le] sous-préfet de Castres s’est rendu sur les lieux où de nouveaux renforts de gendarmerie ont été envoyés ».
Profiter de la dynamique syndicale
C’est un conflit social singulier qui a commencé depuis plusieurs mois dans ce village de 740 habitants, situé aux confins du Tarn et dont les prémices remontent au printemps 1912. Une section syndicale s’est constituée dans ces usines où 184 ouvriers et ouvrières travaillent à délainer des peaux de moutons. Lors des élections municipales, la liste soutenue par les propriétaires des usines a été mise en échec, et les salarié·es entendent se protéger un peu en s’organisant. Cet élan syndical est le fruit de la persévérance d’Isidore Barthès, le leader du Syndicat des délaineurs de Mazamet, une organisation puissante et dynamique depuis la grève victorieuse de 1909. À l’issue de ce dur et long conflit de quatre mois, les ouvriers et ouvrières de la « capitale mondiale du délainage » ont imposé leurs conditions au patronat local : des « contrats collectifs » (ancêtres de nos conventions collectives actuelles), hausses de salaires, obligation syndicale, etc (1).
Depuis 1909, le mouvement ouvrier mazamétain vit son apogée et rien ne semble devoir obscurcir le tableau : arrêt de travail complet enregistré le 1er mai 1912 et grève générale de la corporation, le 30 septembre, en soutien aux ouvriers de l’usine Amalric, victimes et acteurs d’un conflit dur et complexe.
Fraîchement syndiqué·es (aux deux-tiers, semble-t-il), les ouvriers et ouvrières d’Albine escomptent bien profiter de cette dynamique. Mais leurs revendications incessantes et multiples agacent la direction. Et c’est la menace d’un conflit ouvert, à propos d’une nouvelle recrue, qui donne l’occasion aux patrons d’engager une épreuve de force. Parce qu’elle est hostile à l’organisation ouvrière, cette salariée cristallise l’opposition entre direction et syndicat autour du contrôle des embauches.
La stratégie cachée des patrons
Où allait-on si dans des lieux aussi reculés, restés jusqu’alors sous l’emprise du prêtre et des Reille (2) les dominé·es commencent à lever la tête ? L’exemple de Mazamet allait-il embraser l’ensemble du sud-Tarn ? La direction des usines le redoute. Elle feint donc, au départ, de discuter avec les délégués syndicaux ; et un accord tacite intervient : cette ouvrière non-syndiquée serait « remerciée » mais dans l’immédiat (c’est à dire dès le 8 septembre) l’usine serait fermée pour inventaire et entretien, le travail devant reprendre au plus tard dans les 15 jours.
Le piège tendu se referme rapidement. Un mois après, la reprise se fait toujours attendre. Les rapports envoyés à la préfecture par le commissaire spécial indiquent bien, d’ailleurs, que même les pouvoirs publics n’ont pas cru les promesses patronales. De fait, le 6 octobre, une affiche de la direction signale que les usines ne peuvent rouvrir pour « des motifs d’ordre intérieur ». La date de reprise étant indéterminée, le personnel doit chercher du travail « d’un autre côté ». Était-ce bien là une manœuvre destinée à tuer dans l’œuf l’organisation syndicale naissante ? Toutes et tous en auront la certitude quelques jours après : celles et ceux « qui veulent travailler » doivent se signaler auprès du directeur . Il leur faut simplement accepter les conditions de travail et le niveau de salaire… tout en désapprouvant l’adhésion au syndicat. Aucun doute, c’est bien un lock-out patronal (3) ! Dès que les responsables de l’usine ont recruté assez de salarié·es pour reprendre de nouveau l’activité, même de manière incomplète, ils annoncent sa réouverture. Le tri étant fait, plus aucun·e syndiqué·e ne retrouve son emploi antérieur. C’est à ce moment précis que les « troubles graves » dont la presse a fait grand bruit se sont produits.
Les « enfermés-dehors » résistent
Les « lock-outé·es » se sont donc promptement organisé·es sous l’égide de la Fédération CGT des cuirs et peaux et du Syndicat de Mazamet. On peut suivre, au jour le jour, leur résistance et les problèmes qu’elle a posés grâce aux très nombreuses lettres écrites de l’été 1912 à la veille du premier conflit mondial par l’omniprésent syndicaliste, Isidore Barthès (4). De fait, celles et ceux qui refusaient de renier leur adhésion syndicale ont été considéré·es en grève depuis le 8 septembre. Mais l’étaient-ils vraiment ? N’étaient-ils pas plutôt des grévistes malgré eux ?
Dès le 24 novembre, le Syndicat de Mazamet décide de « payer le pain » à tous les « enfermés-dehors » et à leur famille. « Au bout de trois mois de chômage, nous sommes obligés de les maintenir, sans cela la faiblesse les gagnerait et ils iraient tous remettre leur carnet de syndiqué (5) » : fourniture de pain et organisation quotidienne de « soupes communistes » du 2 janvier au 13 avril 1913, avec l’aide matérielle de l’Union des syndicats de Toulouse. À cela s’ajoutent des réunions privées, des meetings publics et manifestations, des soutiens financiers qui affluent des quatre coins du pays et proviennent de corporations et de syndicats divers. Pilet, un responsable national de la Fédération des Cuirs et peaux, vient pour un long séjour ainsi que d’autres figures nationales et régionales (6) pour épauler Isidore Barthès et Joseph Gardiès, le secrétaire de la Bourse du travail de Mazamet.
Avec l’ensemble des membres des familles touchées par ce lock-out, il y a quotidiennement jusqu’à 450 bouches à nourrir, mais tant qu’ont duré ces soutiens directs, la détermination de la majorité des ouvriers et ouvrières est demeurée forte. D’autant que la plupart des hommes ont trouvé du travail dans les campagnes alentour, d’autres allant « s’embaucher » dans les activités forestières de la Montagne noire ou même dans les vignes du bas-Languedoc.
Cette façon de « faire grève » était cependant à double tranchant. Elle permettait, certes, de faire durer la résistance ouvrière et de fragiliser la stratégie patronale, mais en même temps, elle épuisait les ressources et les forces syndicales. De plus, elle obligeait à élargir sans cesse les soutiens tout en figeant les positions et en rendant illusoires les solutions entrevues à diverses reprises.
L’ État à la rescousse… des dominants
Il fallait aussi compter avec les conséquences de la répression car, comme d’habitude, le pouvoir et ses différents appareils (judiciaire, administratif, policier et médiatique) se sont employés à maintenir « la liberté du travail » et « l’ordre public ». Et en ces temps où les droits encadrant les mouvements sociaux (syndical, de grève et de manifestation) étaient récents et, dans les faits, des plus restrictifs (7), les auteurs de « violences » pouvaient le payer cher. Intimidations, arrestations, poursuites judiciaires et condamnations multiples, rien n’a manqué ! Il y a eu au total 16 condamnations : quatre femmes à huit jours de prison, six ouvrières et six ouvriers à des amendes entre 16 et 50 F, quand les salaires journaliers allaient de 3,25 à 5 F par jour pour dix heures de travail.
« Le village d’Albine continue à être en véritable état de siège », témoigne Pilet dans le Midi socialiste du 20 janvier 1913, « pas un mot, pas un geste qui ne soit aussitôt relevé par les gendarmes en plus des patrouilles qui, toute la nuit, sillonnent les rues et les petites localités. Les maisons où logent les militants sont particulièrement surveillées et notre camarade Barthès ne peut pas faire un pas sans être épié par tous les policiers amateurs ou professionnels. C’est un véritable régime tsariste qui est instauré dans ce coin reculé de la Montagne noire ». Tout cela exaspère les lock-outé·es et échauffe les esprits. Bagarres, insultes et provocations se multiplient. À trois mois de distance, deux « attentats à l’explosif » visent aussi les habitations du sous-directeur et d’un employé.
Dans ces conditions, comme très souvent, le temps a joué en faveur des patrons, contrairement à ce qu’ont pu penser à diverses reprises Barthès et ses compagnons. La puissance des propriétaires des usines est à peine écornée, et leur intransigeance a redoublé dès lors qu’ils ont trouvé quelques bras supplémentaires à embaucher, « renégats » ou non, et lorsque la lassitude ouvrière et syndicale leur a fait espérer une victoire.
D’une façon générale, la situation florissante de la place mazamétaine permettait aussi aux directions d’entreprises de « faire face ». À plusieurs reprises, les lettres envoyées par le grand industriel Gaston Cormouls-Houlès évoquent l’« excellent crédit » qu’inspiraient les affaires des deux patrons concernés par le conflit. La lecture des numéros de 1912 et 1913 de la Revue commerciale et industrielle de Mazamet le confirme : « La place se porte bien. L’ensemble des marchandises conditionnées et expédiées s’élève à un niveau jamais atteint » et plus loin : « Le développement du délainage à Mazamet a dépassé les prévisions les plus optimistes […] Nous envisageons l’avenir avec confiance ».
Une mauvaise appréciation du rapport de force
Le conflit s’est enlisé car les leaders syndicaux locaux et nationaux ont longtemps surestimé leur puissance et sous-estimé la solidité de leurs adversaires. De son côté, Barthès ne s’est pas imposé la distance nécessaire. Sa correspondance témoigne à maintes reprises de sa volonté de prendre une sorte de revanche sur Gustave Sarrat : « Il faut qu’il morde la poussière ». Cet « affameur » n’avait-il pas mis en échec le syndicat en 1908, à l’issue d’une autre grève, celle de l’usine de Bellerive ? Ne s’était-il pas montré inflexible en 1909 ? Ce « potentat de la finance », président de la Chambre de commerce de Mazamet et censeur de la Banque de France, n’était-il pas par ailleurs un républicain, « un radical, et un des plus mauvais » ?
Pour Barthès comme pour la majorité des délaineurs, c’était là une condition aggravante (8).
Ses lettres dévoilent aussi des analyses confuses et contradictoires, fondées sur des informations mal étayées ou des prévisions erronées. Il répète à maintes reprises qu’il faut « aller jusqu’au bout », que ce n’est « qu’une question de temps », qu’il faudra l’emporter « coûte que coûte ». Mais conjointement, il fait état de graves difficultés : des « renards » ou « renégats » acceptent de quitter le syndicat et de reprendre le travail ; les cotisations rentrent mal ; des divisions internes au mouvement apparaissent et plusieurs éléments reprochent à Barthès la stratégie suivie. Cela l’amène parfois à ne plus savoir que faire : il dit ne pas « pouvoir arriver à une solution » et entrevoit « une défaite matérielle » mais « une victoire morale », tandis qu’il menace à plusieurs reprises de démissionner… Pire ! Il lui arrive d’inverser les rôles. En avril 1913, par exemple, il veut « maintenir le lock-out jusqu’au mois de septembre », moment où l’activité serait la plus fragilisée. Et ici ou là, il se réjouit en signalant que l’entreprise pourrait être amenée à « fermer ses portes » (ce que nombre de lock-outé·es n’espéraient pas…). En outre, les illusions n’étaient jamais très loin : « La défaite de ce patron, c’est la mort du capitalisme dans la région », écrit-il fin juin 1913 à un des piliers de la Bourse du travail de Toulouse (9).
Enfin, la Fédération des cuirs et peaux, elle-même, semble être dans la confusion dès la sortie de l’hiver. Et en juillet 1913, à juste raison, elle considère la grève comme terminée, alors que Barthès envisage la possibilité d’organiser de nouvelles « soupes communistes » en septembre… tout en avouant ses inquiétudes au secrétaire fédéral Voirin : « Depuis déjà un mois, je n’ai pas reçu de renseignements de ta part au sujet de la ligne de conduite que nous avons à tenir pour Albine ».
L’invisibilisation des femmes
Avec le recul, d’autres éléments peuvent être relevés. L’inexpérience de ces syndiqué·es de fraîche date et la nécessité dans laquelle se trouvaient les hommes lock-outés de chercher par ailleurs du travail (tout en étant considérés comme des grévistes par le syndicat) n’a pas favorisé leur engagement. Quant à la plupart des femmes restées sans travail, que sont-elles devenues alors même qu’elles constituaient plus de 70% des effectifs des usines d’Albine ? Au-delà de la fourniture du pain et des soupes populaires qu’il leur fallait absolument, quels ont été leurs véritables desiderata ? Comment ont-elles réagi, notamment en l’absence de leur mari ou compagnon et lorsque l’usine est parvenue à fonctionner tant bien que mal avec un tiers de « renégats » ? C’est difficile à dire puisque, cent-dix ans après, la parole syndicale à laquelle nous avons accès ne fait ressortir que des prises de position masculines. Nous savons leur forte implication au tout début du mouvement. Des photographies et cartes postales en témoignent, tout autant que les peines infligées aux plus actives d’entre elles. Mais d’un point de vue pratique et stratégique, aucune parole féminine n’émerge ; et quand elles apparaissent en tant que telles dans les sources, y compris syndicales, les ouvrières d’Albine ne sont perçues que comme une main-d’œuvre d’appoint, mineure quant aux décisions qu’il fallait prendre.
Des enjeux qui dépassent le conflit
Escomptée par le patronat local, la revanche sur 1909 avait commencé. L’objectif majeur était là ; et le vent avait tourné. Pourtant, ni Barthès ni la Fédération des cuirs et peaux n’ont compris à temps ce qui se jouait dans cette période précise et dans cette grève-là. L’unité syndicale, elle-même, a été remise en cause par la création d’une autre organisation, l’Union des syndicats libres. La division a été instrumentalisée par les patrons et accentuée par les erreurs de Barthès lui-même, notamment son engagement politique direct, sur la liste royaliste et cléricale, lors des élections municipales complémentaires d’octobre 1912. Surtout, les nouveaux « contrats collectifs » mazamétains devaient être signés dans le courant de l’été 1913, et les entrepreneurs savaient parfaitement – tout autant d’ailleurs, que les syndicalistes – qu’une défaite ouvrière chez Amalric et à Albine raffermirait leurs positions.
Ce conflit a donc été tout à la fois modeste et important. Le niveau de tension élevé a révélé une situation qui ne pouvait perdurer telle quelle. La place même du syndicalisme était en jeu, et donc celle de l’autorité patronale. L’un des deux protagonistes devait l’emporter. Or les contradictions et le manque de cohérence du syndicat local l’ont empêché de gagner la partie au moment même où, au niveau national, la dynamique cégétiste des années antérieures marquait elle aussi le pas. Tout a donc favorisé un enlisement du conflit : le manque d’appuis politiques, l’ego surdimensionné d’Isidore Barthès et les divisions causées par son engagement politique réactionnaire.
Il faut aussi prendre en compte le déphasage entre les aspirations et les modalités de la lutte, tant au niveau national, départemental et local qu’entre ces différents échelons d’organisation. À cela s’ajoute l’inégalité des moyens dont disposaient les principaux protagonistes, la faible prise en considération de la parole des ouvrières, etc.
Tout cela ne se retrouve-t-il pas encore ici ou là, de nos jours, dans différents conflits ?
Finalement, en dépit de la dignité conservée par plusieurs dizaines d’ouvriers et d’ouvrières qui n’ont pas voulu renier le syndicat, beaucoup ont été contraint·es d’accepter de rentrer. Jusqu’à la veille du conflit mondial, si l’entreprise n’est pas parvenue à fonctionner normalement, il est clair que le syndicat et les résistant·es ont été tenu·es en échec. Joint à d’autres éléments de fragilisation du camp ouvrier, le « désastre d’Albine », selon le mot de Rémy Cazals, a eu des répercussions fâcheuses sur Mazamet dès août 1913. Lors des discussions portant sur les nouveaux « contrats collectifs », le résultat obtenu fut « moyen » dans le textile mais bien en-deçà des attentes dans le délainage et la mégisserie ainsi que du côté des charretiers.
Comme tout affrontement social localisé, les raisons, le déroulement et les conséquences de cette grève ont dépassé son propre cadre ainsi que les objectifs visés par ses acteurs principaux. Aujourd’hui encore, c’est là une considération classique, trop souvent oubliée par les leaders syndicaux eux-mêmes lorsque les conflits s’enlisent. Ne pas prendre ses désirs pour des réalités est alors plus nécessaire que jamais. Mais il faut reconnaître que c’est plus facile à dire qu’à faire lorsque l’affrontement exige autant d’engagement et atteint un tel niveau de tension.
texte : Alain Boscus / Images : archives du Tarn
Notes :
1 : Il faut lire les ouvrages de Rémy Cazals pour prendre la mesure exacte de ce moment, notamment Les révolutions industrielles à Mazamet 1750-1900, La Découverte-Maspero/Privat, 1983 et Avec les ouvriers de Mazamet dans la grève et l’action quotidienne 1900-1914, CLEF 89 (2e éd.), 1995.
2 : La puissante et très réactionnaire famille qui tient à elle seule une partie importante de la vie économique et politique du département
3 : Le lock-out ou grève patronale, est la fermeture provisoire d’une entreprise, décidée par l’employeur pour répondre à une grève afin de faire pression sur les grévistes, les salarié·es non grévistes n’étant alors plus rémunéré·es .
4 : Ces lettres sont envoyées à tous les protagonistes concernés par cette lutte, surtout à Charles Voirin puis à Marius Roux, les secrétaires nationaux des Cuirs et peaux, et sont conservées aux Archives départementales du Tarn.
5:Lettre d’Isidore Barthès à Voirin, datée du 18 novembre 1912 (Registre du syndicat des délaineurs de Mazamet) Archives départementales du Tarn, cote 166 J 3/31
6 : tels Voirin, Marty-Rollan et Dumoulin.
7 : Les syndicats avaient bien le droit d’exister depuis 1884, mais leurs conditions d’existence et leurs marges de manœuvre, leurs possibilités d’actions et la protection des syndiqué·es, étaient très minces ou n’existaient pas dans les faits. Il faut attendre 1936 et 1968 pour enregistrer des évolutions positives majeures dans ce domaine.
8 : Rémy Cazals a étudié, dans le détail, l’originalité de la configuration socio-politique locale qui dominait dès la fin du XIXe : un patronat en majorité protestant et républicain votant centre-droit, centre-gauche voire en faveur des radicaux et un monde ouvrier renouvelé par le développement du délainage, issu de « la Montagne », attaché au traditions religieuses et votant majoritairement pour les Reille et les candidats de la droite réactionnaire. D’où la figure d’Isidore Barthès : un authentique militant ouvrier aux accents anticapitalistes, adoubé par les syndicalistes révolutionnaires les plus en vue mais profondément « reilliste ».
Comme lui et en dépit de leur « conscience de classe », les ouvriers de Mazamet et des alentours, goûtaient peu le radicalisme antireligieux et les idées socialistes ; ils continuèrent de voter à droite, même après 1909.
9 : Toutes ces citations sont extraites des registres regroupant les lettres écrites par Barthès dans cette période. Cf Archives départementales du Tarn, cotes AD81 166 J 3/31 et 166 J 3/32.