Pain au levain et poing levé
Une évolution fermente dans un petit coin du monde de la boulange. Un peu partout en France, des artisan·es pétrissent un autre modèle à base d’autonomie, de levain et de farines paysannes. Capitalisme sauce alternative ou véritable rupture de modèle ? Un changement radical, c’est en tout cas le chemin que cherchent beaucoup d’entre elleux, décentré du travail, sensible aux enjeux écologiques et sociaux. Et il y a du pain sur la planche.

8 heures, tout est calme dans le petit village de Teyssieu, aux confins du Lot, de la Corrèze et du Cantal. C’est le genre de patelin qui a pris l’exode rural dans le pif, plus d’école, plus d’épicerie, juste un petit bar. Depuis la rue principale, on entend néanmoins quelques bavardages qui proviennent de la seule échoppe : le fournil. L’antique vitrine exhibe des miches encore tièdes, en rang sur des planches. À l’intérieur, dans la chaleur du four et l’odeur du pain, un trentenaire en tablier blanc papote tranquillement avec trois cyclistes. Ça fait maintenant quatre ans qu’Antoine produit et vend du pain au levain dans ce coin de cambrousse. Il fait trois fournées par semaine. Comme la première boulangerie est à perpète, les habitant·es sont bien contents qu’il existe. Rien de plus banal que d’acheter le pain frais du matin, pas de quoi écrire un article vous nous direz. Et pourtant quel contraste avec les boulangeries qui, six jours sur sept, proposent des dizaines de produits différents dès l’aube et jusqu’au soir. Celles qui nous font penser que boulanger·e, c’est un beau métier mais avec un emploi du temps qui donne envie de se tirer une balle. Et puis le pain du fournil de Teyssieu, c’est pas un pain blanc de baguette moulée. Il est fait pour être nourrissant le jour même, et rester bon les jours suivants. Comme Antoine, de nombreux artisan·es ont déboulé dans la boulange et ont décidé d’en changer les règles.
« Cette forme de boulangerie n’est pas nouvelle. Elle est apparue dès les années 1970-80 avec des pionniers comme Daniel Testard en Bretagne », m’explique Daniel, du fournil « La Gîtée du pain » en Ardèche. Mais « depuis vingt ans il est manifeste que ça a pris de l’ampleur », constate Léa Bernard, salariée de l’association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural de Rhône-Alpes. Son rayon, c’est les paysan·es-boulanger·es : « Au début des années 2000, il n’y en avait qu’une poignée dans toute la France. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de monde à nos événements et les fermes conservatoires des semences paysannes se sont multipliées. Rien que dans la région, il y en a des dizaines. » Pour Paul, fabricant de fours mobiles en Bretagne, l’augmentation est devenue exponentielle depuis les confinements, une période durant laquelle beaucoup ont expérimenté le pain maison. « Il y a quinze ans, quand j’ai commencé, on était surtout des marginaux qui faisaient un retour à la terre. Aujourd’hui, il y a un peu de ça mais les jeunes qui s’y mettent sont souvent très diplômé·es, en reconversion. Avant c’était pas hyper valorisé le manuel. Ça a un peu bougé avec la diffusion de l’écologie politique. »
Un four pour une bouchée de pain
Selon Thelma, 26 ans, la profession présente effectivement de nombreux attraits : « Parmi les métiers de l’artisanat et de la paysannerie, c’est l’un des plus faciles d’accès. L’apprentissage n’est pas très compliqué : il est même possible de suivre son CAP à distance. Et puis l’installation peut se faire sans investir de fonds importants et ne nécessite pas nécessairement un accès au foncier. J’ai construit moi-même mon four mobile sur remorque et à partir de là, je n’ai qu’à me déplacer vers un endroit où on pourrait m’acheter mon pain. » Les investissements économiques à l’installation sont relativement faibles, la possibilité d’être rentable à l’heure, y compris en ruralité est également assez simple à atteindre, « à condition de ne pas s’éparpiller à faire quinze types de pains différents », m’explique Émile, journaliste-boulanger à l’Empaillé.
Coline Arnaud et Denis Saillard, historien·nes, se sont penchés sur le phénomène1 : « La filière investit le secteur du micro-commerce à travers des installations dont le credo repose sur la négation des principes du secteur industriel : fabrication de jour dans une structure à taille humaine, utilisation limitée de la mécanisation, liens étroits avec les meuniers et les agriculteurs, traçabilités des matières premières. […] [L’alter-boulangerie] réhabilite la gestuelle manuelle et le rapport sensible à la pâte en affichant une nouvelle relation au temps : levain naturel, pré-fermentation, long pétrissage. […] Le circuit d’approvisionnement est court et local. » Si cette démarche relève pour certain·es d’une volonté nostalgique de renouer avec un passé idéalisé, pour la plupart, elle tient d’une quête d’émancipation car « elle réhabilite des modèles économiques alternatifs (coopératives, bénévoles, société mutualistes) comme autant de réponses aux géants industriels. »
Repenser la pratique
Quels sont ces changements que proposent les nouvelles acteur·ices de la boulangerie ? Pour Charlotte, qui fait du pain dans le Puy-de-Dôme, « la boulangerie, pour moi, c’est surtout un outil d’émancipation et un moyen d’être libre : libérée du salariat, de la hiérarchie. Pouvoir déterminer ses conditions de travail et ses horaires. Je pense que c’est une réflexion dans beaucoup de fournils. » Et de citer Bernard Friot, sociologue et économiste connu pour son travail sur la revendication de « salaire à vie ». Selon elle, beaucoup de ses collègues partagent ce rapport assez critique au travail, un refus de le mettre au centre de sa vie, de tout lui sacrifier. C’est d’autant plus vrai dans cette profession, particulièrement marquée par des contraintes. On abandonne l’idée du pain frais tous les matins pour privilégier deux ou trois fournées par semaine sans ouverture en continu. Le fournil d’Antoine, à Teyssieu, ouvre vers 17 heures le mardi et le jeudi : « De nos jours je trouve ça bizarre l’idée du pain frais du matin. Les évolutions de la société ont fait du dîner le repas le plus important pour beaucoup de gens. C’est souvent le seul repas en famille, où on peut prendre le temps, ça me semble bien d’avoir du pain frais pour le soir. Après, c’est sûr que les horaires c’est avant tout une exigence de ma part ». La page du client-roi se tourne.
Pour ce qui est des contraintes techniques, certaines pratiques peuvent changer la donne. C’est le cas du levain par exemple. Les plus nostalgiques (et âgés) trouveront dans sa légère acidité le goût de l’enfance mais c’est avant tout un agent de levage, au même titre que la levure. Cette dernière est un produit très stable, standardisé par l’industrie. À l’inverse, le levain est un peu moins fiable, il produit un pain plus dense et il est plus lent à s’activer, d’où son abandon. Si aujourd’hui les boulanger·es le redécouvrent c’est qu’il a aussi de nombreux d’avantages. Les temps de pousse sont plus lents et peuvent être un atout. Ils permettent de faire une partie du travail la veille et non pas au milieu de la nuit. Ensuite, associé à des farines paysannes, moins chargées en gluten que les farines conventionnelles, le levain produit un pain savoureux, digeste, nourrissant et qui se conserve très bien jusqu’à dix jours. D’où son adaptation à ce mode de travail alternatif : les consommateur·ices ont une réserve de bon pain entre les deux fournées sans que la boulanger·e se décarcasse à faire de la baguette toutes les nuits. Enfin, c’est aussi un outil d’autonomie, un simple mélange d’eau et de farine qui peut se faire chez soi comme certain·es novices l’ont expérimenté lors du confinement.
L’âge de l’indépendance
Ce penchant pour l’autonomie irrigue largement le mouvement des alter-boulanger·es. Les un·es refusent les modèles d’entreprise hiérarchiques avec patron·es et salarié·es. Les autres tentent de s’affranchir des coopératives agricoles et de leurs fournisseurs, en travaillant avec un·e meunièr·e de confiance ou en devenant soi-même paysan·ne-boulanger·e. L’avantage d’être à la fois au four et au moulin, c’est notamment d’avoir la main sur la totalité du processus. Les boulangeries conventionnelles sont bien souvent acculées par la mainmise des coopératives en amont ou en aval de leur production. De leur côté, les paysan·nes-boulanger·es sélectionnent elleux-mêmes leurs variétés de blé et peuvent les renouveler sans passer par un semencier. Iels maîtrisent la chaîne de production, pour parler dans la langue des économistes, mais aussi l’outil de travail.
Le rapport aux machines est un autre front de conquête de l’autonomie pour ces travailleur·euses. Pour le groupe Blé2, un collectif de réflexion de paysan·nes boulangèr·es, elles posent un problème de deux ordres. Leur coût est souvent disproportionné pour des petit·es producteur·ices. Pour amortir l’investissement la seule possibilité est d’augmenter la production et donc de demander de nouveaux prêts. « Les politiques de soutien au secteur agricole continuent de miser sur l’endettement […] mais bien souvent les nouvelles dettes amènent de nouvelles difficultés au moindre soubresaut du marché agricole ». Par ailleurs, les technologies utilisées se sont complexifiées. Les outils modernes (four, minoterie, etc.) sont « bardés de capteurs électroniques visant à rendre la production intelligente. Résultat ? Plus personne ne comprend comment elles fonctionnent ». Le groupe Blé ne vise pas à un rapport uniforme aux machines,il cherche un équilibre entre « choix politique et souci d’efficacité ». Pour Antoine : « La boulangerie industrielle est très récente historiquement et montre clairement des limites aujourd’hui. La boulangerie alternative, c’est bien la plus traditionnelle ». Selon Paul, son modèle n’est pas un rejet de la modernité mais une prise de distance avec certains de ses aspects : « Faut être honnête, le pain au levain que faisaient les hippies il y a vingt ou trente ans, il était très inégal. Aujourd’hui, la recherche sur le sujet a pas mal avancé3 et les informations sur le fonctionnement du levain sont assez faciles à trouver sur le net. » Sur l’amélioration de la qualité du pain, Émile va dans le même sens : «Il existe maintenant des structures de formation adaptées d’où ressortent d’excellent·es boulanger·es ». Et c’est aussi à travers des réseaux d’entraide entre professionnel·les que se diffuse le savoir-faire, un·e novice allant souvent travailler avec quelques fournils avant de s’installer.
Le cœur chaud du village
Au-delà de la vente de pain, un certain nombre d’alter-boulanger·es essayent de jouer un rôle au sein de leur village ou finissent par l’occuper de fait. Tiphaine est la fille de deux alter-boulanger·es au levain installés depuis vingt-cinq ans en Lozère : « Un four c’est propice à la fête et à la convivialité. Il y a évidemment la chaleur et puis les odeurs agréables qui attirent. Souvent, il est le centre et le cœur festif du village et sert de lieu de rassemblement. Mes parents suivent ce modèle depuis le début mais ils n’étaient vraiment pas nombreux à l’époque. Ils organisaient des soirées pizza pour tout le hameau et cuisaient les viennoiseries pour qu’elles soient prêtes à la sortie de l’école. Quand le four est allumé, les gens du coin peuvent venir faire cuire des trucs au four comme on le faisait autrefois. » Selon Antoine de Teyssieu, ce rôle fédérateur nécessite une démarche active pour s’adresser à tous les publics, et pas qu’aux « alternatifs », comme c’est le cas dans beaucoup de fournils. En l’occurrence, pour notre fournier lotois, il y a déjà la question des prix : « Je vends le pain pas cher et je trouve que c’est important pour ne pas rentrer dans la gentrification comme on peut le voir parfois en ville où en Haute-Savoie d’où je suis originaire. » Loin des grandes métropoles et de leurs business pour bourgeois, le département du Puy-de-Dôme s’en sort plutôt bien avec un prix moyen du kilo du pain de base (donc bio, local et au levain) à 5,12 euros (cf : encadré n°2), soit à peine plus cher que le prix de la baguette classique au kilo (4,30 euros en juin 2024 selon UFC que choisir). L’équilibre à maintenir est fragile entre accessibilité, juste rémunération et qualité des produits. Il y a ensuite la question des habitudes alimentaires : pas toujours facile de passer de quarante années de baguette blanche aux miches de pain au levain. Du coup, Antoine fait un peu de baguette au levain, un entre-deux qui permet parfois à certain·es villageois·es de passer le pas. Autre concession : ouvrir le samedi matin avec pain frais et croissants. « Pour beaucoup, c’est une habitude un peu sacrée. Je le ferais clairement pas tous les jours mais une fois par semaine, je trouve ça bien pour la vie du village et ça reste quelque chose d’amusant pour moi. » Et ces auto-contraintes semblent porter leurs fruits : « Maintenant que j’ai pignon sur rue à Teyssieu, je vois que j’ai des nouvelles client·es. Ce ne sont pas que des alternatifs, il y a tous les gens du village, notamment les personnes âgées, qui viennent m’acheter le pain et causer un peu. »
Marketing, gentrification et alter-capitalisme
La recherche d’ouverture qui anime Antoine n’est pas systématique au sein du réseau des fournils au levain. Cette niche de la consommation bio et écologique peut facilement tourner à l’argument marketing pour les ambitieux·ses qui flairent un nouveau débouché juteux pour client·es fortuné·es. De la même façon, il ne suffit pas de créer une entreprise « alternative » pour supprimer l’exploitation au sein du travail. Pour Lionel, boulanger dans le Puy-de-Dôme, le levain n’est pas un critère de définition suffisant : « Je trouve ça important de ne pas trop compartimenter des îlots identitaires. Le réel est plus poreux que les classifications à gros traits et je me sens bien plus proche de certain·es boulanger·es conventionnel·les avec une philosophie du travail sans pression que de certaines Scops bio au levain avec une mécanisation à outrance, des quantités de production quasi industrielles et une pressurisation des salarié·es. Correspondre à certains codes d’une alter-boulangerie peut parfois être assez trompeur sur la qualité du travail… Moi je bosse seul et mon objectif c’est de ne pas me faire dépasser ». Une Scop pratiquant l’exploitation et la maltraitance, c’est ce à quoi ont été confrontés les boulangères VNR4 : « Le modèle de l’entreprise, qu’elle soit individuelle ou collective, implique la reproduction du modèle capitaliste. […] Ça nous paraît important de rappeler l’existence de la conflictualité inhérente au salariat ». C’est bien le risque de réduire un mouvement à des pratiques comme le levain ou l’adoption de modèles alternatifs d’entreprises : rien n’empêche qu’il ne soit rattrapé par le business as usual. Pour s’en prémunir, une réflexion sur les conditions de travail, le rapport au monde social et à ses luttes est indispensable.
Le pain, un outil de lutte
Cette réflexion est déjà menée au sein de l’International de la boulangerie mobilisée (IBM). Pierre, un des plus vieux membres, m’évoque la genèse du collectif : « À la base c’était une blague, un délire né d’une conversation entre trois boulangers suisse, belge et français ». Un nom qui semble tourner en dérision les sigles d’entreprises un peu bidons tout en reprenant les codes un peu mégalo des organisations révolutionnaires de jadis. Pierre me dresse le portrait du mouvement : « On est environ soixante-dix aux rencontres semestrielles mais il y a cinq cents personnes sur la liste mail. La moyenne d’âge est de trente ans je pense, avec pas mal d’urbain·es, beaucoup de gens en train de s’installer mais qui ne prévoient pas une vie très carrée. » Selon Pierre, « le rôle de l’IBM, c’est avant tout de servir de réseau de rencontre pour des boulanger·es militant·es ». Une plate forme pour échanger des pratiques, des savoirs, notamment avec « l’école de boulangerie mobilisée » ; mais aussi une sorte de syndicat dans laquelle circulent des offres d’emplois et une « liste noire » des fournils peu respectueux des droits des travailleur·euses comme Patalevain et Patatisse à Toulouse. Enfin, le M de mobilisé, c’est aussi parce que leurs fours sont mobiles : « On est un peu les héritier·es des forain·es du Moyen-Âge qui allaient de rassemblement en rassemblement ». Cela permet à ces anarchistes de la boulange d’être présent·es sur beaucoup de mobilisations politiques comme le festival « Les Résistantes » qui aura lieu du 7 au 10 août 2025 dans l’Orne. En juillet 2024 dans le cadre d’une mobilisation contre les mégabassines dans les Deux-Sèvres, iels ont produit jours et nuits 4 tonnes de pain grâce à 5 fours et 70 boulangèr·es. Un fait d’armes dont iels sont particulièrement fier·es et qu’iels désignent sous le terme de « boulange infinie »5. Chaque hiver, iels se relaient également à Dunkerque et à Calais pour « la boulange aux frontières », des fournils qui font du pain pour les personnes migrantes.
Cette nouvelle fournée de boulanger·es semble inventer un cadre de travail et de vie où tout est questionnable : combien de temps ? Comment ? Pourquoi ? Un artisanat au sein duquel gagner sa croûte n’implique pas de renoncer à ses valeurs mais au contraire de se battre pour elles.
Une histoire de servitude boulangère
Dans les vieux villages, on tombe souvent sur les fours banaux, résidus d’une pratique collective tombée en désuétude. Un·e boulanger·e ou fournier·e était chargé·e d’entretenir le feu et de coordonner les fournées des différents foyers, le tout sous le contrôle du seigneur qui prélevait la taxe banale, l’un des pivots du budget seigneurial. En contrôlant le four et le moulin, le seigneur maîtrisait totalement la production de l’aliment de base de l’Europe médiévale : le pain. « Les fours et moulins collectifs, qui permettaient d’échapper à la taxe, étaient traqués et leurs propriétaires punis »6. Avec la Révolution, le privilège est aboli, les fours deviennent communaux, souvent sous le contrôle de gros propriétaires et peu à peu, ils se multiplient. L’industrie pointe le bout de son nez dès la fin du XIXe et se développe tout au long du XXe. La boulanger·e travaille autant mais en suivant la cadence des pétrins mécaniques, diviseuses, façonneuses, chambres de pousse et batterie de four. On voit apparaître un nouvel acteur, la coopérative agricole. Celle-ci s’impose comme la nouvelle maîtresse du blé. Selon les paysan·es du groupe Blé : « La coopérative a remplacé le seigneur. […] Elle garantit d’écouler leur production, en échange d’une forme d’asservissement, cette fois aux lois du marché mondial du blé »7. Subordination directe pour les meunier·es qui reçoivent des semences et doivent vendre leur blé auprès de la coopérative. La mainmise sur la boulangerie est plus subtile : elle « est souvent pieds et poings liés par des contrats franchisés avec des multinationales comme Vivescia qui leur impose farines, produits et recettes et leur pompe leur blé »8. Le joli conte du pain parle des savoir-faire et du bon goût de la tradition mais l’histoire de la boulangerie est en vérité une histoire de servitude. Une bonne raison de tout casser et de reconstruire en triant le bon grain de l’ivraie.
Texte : Malo et Elie Toquet / illustration : Ludo Adam
Enquête sur l’alter-boulangerie dans le Puy-de-Dôme
Pour baser nos analyses sur des chiffres, on a interrogé ou obtenu des données sur une quarantaine de fournils ou anciens fournils d’un département « test », en l’occurrence le Puy-de-Dôme, en se basant sur le critère d’un usage principal du levain. On peut faire l’hypothèse que la plaine céréalière de Limagne a fait de ce département un espace plus favorable qu’ailleurs au développement de cette pratique.
29 fournils au levain encore en fonctionnement dans le département.
22 ans : c’est l’âge du plus ancien fournil au levain encore en activité
70 % d’entre eux ont ouvert après 2017 et sept seulement avant 2010.
42 % enquêtés sont des boulangères. Là où, dans la boulangerie conventionnelle, la personne qui cuit le pain est un homme dans plus de 3/4 des cas.
2/3 des fournils sont exploités par des boulangèr·es travaillant seul·es ou en couple.
30 % fonctionnent avec des aspects collectifs et horizontaux (hors couple).
1 seule des personnes interrogées a fait de la boulangerie son premier métier. Les autres ont suivi des parcours de reconversion et viennent de domaines aussi variés que la musique, l’agronomie, ou les mille métiers de l’intérim.
- Pain et Liberté : Une histoire politique du pain, 2023, Textuel, Coline Arnaud et Denis Saillard ↩︎
- Notre pain est politique, Groupe Blé avec Mathieu Brier, La dernière lettre, 2019. ↩︎
- Voir à ce sujet le projet de recherche Bakery financé par l’Agence nationale de la recherche ↩︎
- « ASCAB, pérégrinations de trois saisonnières dans le pétrin », Les boulangères VNR, Journal de l’IBM n°5 2022. ↩︎
- « Le mégaFournil ! », Journal de l’IBM, n°6, octobre 2024. ↩︎
- voir note 2 ↩︎
- idem ↩︎
- idem ↩︎

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