Numéro 1

Numéro 1

Top départ. On y est ! Des mois et des semaines à cogiter, à rassembler, à hésiter. Et puis les premiers papiers, quelques croquis, l’ébauche de sommaire. « Le Buffadou » ? « La Brêche » ? « Le Grincheux » ?, « l’Appel d’air » ?, « Le Rat des champs » ? … et « L’Empaillé » est lâché à voix haute. Ce sera une trace indélébile, loin de la folie numérique et ses milliards de flux, comme autant d’étoiles qui meurent sans cesse. Ce sera inerte, à moins que des lecteurs s’en saisissent. Et L’Empaillé le sera d’autant qu’on s’empaillera entre nous, avec vous, et avec tous nos détracteurs. Avec vigueur et sans chichi.

Un journal, d’urgence. L’époque est moche. Après le carnage de Paris, encore les larmes aux yeux pour certain-es, notre colère a redoublé avec le vote par toute l’assemblée de l’état d’urgence. Ce qu’on aurait jamais pu imaginer est arrivé : des camarades assignés à résidence, surveillés pendant des jours par des civils en planque, des centaines de manifestations interdites, des milliers de perquisitions sans mandats… et tout musulman sommé d’en répondre, partout. Bordel de démocratie. Alors plus que jamais, on a écrit, dessiné et rameuté des motivations éparses.

Une bande d’allumés. Cette publication s’est construite sans journalistes encartés. Les auteurs sont paysans ou paysannes, artisans de toutes sortes, chômeurs dévoués, artistes, profs, salariés. C’est sans doute une bonne chose par les temps qui courent. Nous n’en sommes pas réduits au rôle d’observateur, expert en tout, bien au chaud au sein d’une classe de privilégiés, coupée des paysans, des modestes, des chômeurs, des galériens. Notre journal n’est pas corrompu par la publicité, et aucun entrepreneur avide de prestige et d’influence ne nous dictera le stylo. Sans fermer les yeux sur les rapports de domination qui nous traversent, qu’on le veuille ou non.

Parti pris. Nous n’avons aucun intérêt financier ou politique à sauvegarder, nous n’avons aucun frein pour mettre les baffes verbales à qui le mérite. Et en douceur s’il vous plaît. Notre seul défaut est une sale manie : celle de se ranger du côté des grévistes, des militants, des utopiques, des révolutionnaires, des féministes, des rêveurs, des fous, de ceux et celles qui espèrent encore changer le monde, et y travaillent.

De la mise en page aux rotatives des ouvriers de Girone, voilà donc deux mille exemplaires pour tester de quoi on est capable, à quoi on peut servir, qui on peut intéresser. Chercher à titiller, à provoquer, à mettre en évidence ce qui se cache sous terre, balayer le futile pour parler de l’essentiel. La météo des neiges et les pages sport servent à l’allumage du poêle. Espérons que nos pages de fouineurs vous allument tout court. Que ce canard, simplement, apporte de la vie, empaillé soit-il.

Sans courtoisie. Alors non, on ne sera pas là pour serrer les pognes, pour les révérences et les clichés. On sera là pour rentrer méchamment dans l’apathie et ses profiteurs, pour secouer l’ordre en place à s’en choper des crampes, et pour saluer tous celles et ceux qui comme nous, de cafés associatifs en grèves ouvrières, d’occupations en luttes écolos, de diffusion subversive en combats quotidiens, créent de grands matins chaque jour qui passe et sèment le piment d’une vie qui vaut d’être vécue. Assez de flons-flons, il nous faut de l’argent, des lecteurs, des lectrices et des renforts dans la rédaction pour continuer. Sinon… Banzaï !