Contre La Dépêche, L’Empaillé double la mise !
En Aveyron, toute la presse locale a été rachetée par Baylet, qui étend ainsi son empire et son emprise sur la région. Sans même parler de sa nomination comme ministre du gouvernement Valls. Ses quotidiens sont pauvres en contenu, saturés de publicités. De l’information Intermarché, de l’éditorial gouvernemental, du fait divers. Qui possède encore un peu d’esprit critique ne peut éviter ce triste constat, et partager un sentiment : cette presse est chiante à mourir. Que dire, à partir de là ? La remise en cause des quotidiens régionaux est à la fois attendue, répétitive, fatigante. Un air de déjà écrit…
Le mot tabou
Un peu d’originalité alors. Partons du traitement d’un sujet d’actualité. Au hasard, la naissance de L’Empaillé. Un premier numéro tiré à 2000 exemplaires, et vas-y que l’on s’affiche dans tous les kiosques de l’Aveyron, jusqu’à Figeac et Florac, avec quarante pages argumentées, sur des thèmes du cru et d’ailleurs. Depuis sa sortie le 1er Mars 2016, les journaux du groupe La Dépêche ont publié plus de 450 éditions quotidiennes, soit 15 750 pages cumulées, mais pas UNE ligne consacrée à cet événement. France3 Quercy Rouergue réalise pourtant un sujet dans le JT du soir, la sortie est mentionnée dans le Diplo ou Le Canard enchaîné, mais La Dépêche se tait et pratique la censure par l’omission. Pas de vagues. Des bruits de couloirs parlent d’un chef d’édition locale en rogne. On imagine alors et avec joie L’Empaillé sur le bureau de J-M Baylet, ce dernier passant consigne d’interdire à quiconque d’en évoquer la sortie. Lâche, mais efficace.
Un « quotidien de la démocratie », s’il existait, aurait tôt fait de s’insurger sur plusieurs colonnes contre un nouveau journal le mettant en cause à ce point. Citons nos conseils aux lecteurs d’en faire usage d’allume-poêle en une, ou l’assimilation de ce titre à une vulgaire « soupe ». Ajoutons l’évocation de son passé collaborationniste, de ce journal devenu « presse de faits divers et d’éditos droitiers, courroie de transmission des commissariats, des préfectures », « corrompu par la publicité », le tout mené de main de maître par des personnes condamnées pour abus de biens sociaux. Mais la priorité de Baylet va aux recettes publicitaires, donc aux chiffres des ventes : pourquoi s’emmerder à répondre à tout cela ?
À l’abordage !
Ce ne fut pas toujours ainsi dans la presse aveyronnaise. En Juin 2013, un des nombreux grands frères de L’Empaillé, Le Père Projo, sort son numéro deux. Cette gazette locale tirée à 400 exemplaires, distribuée dans le Nord-Aveyron, était dans le même (mauvais) esprit de critique sociale. Pas du genre tendre avec la presse locale. À l’époque, il reste pourtant un journaliste indépendant à Centre Presse le 29 Juin, pour titrer en page 3 « Un confère est né ! », saluant un canard « fidèle à cet esprit anar et résistant » qui « prône l’insoumission locale », et allant jusqu’à souhaiter « à notre jeune confrère une longue vie (…) ». Où est passé ce modeste inconnu aujourd’hui ? Encore à Centre Presse, bâillonné et attaché dans la cave ?
Cinq mois après la parution de L’Empaillé, nous devons donc en faire le constat : les écrasantes conquêtes de Baylet se font sans soubresaut, dans le calme et l’obéissance. La grève des salariés n’a pas eu lieu. Ni polémique publique, ni mise en cause politique. Baylet peut donc apparemment manipuler l’opinion du Sud-Ouest et de l’Aveyron à sa guise. La censure est parfois directe, mais le détournement, l’omission et la décoration publicitaire sont également opérants. En souhaitant un futur sabordage de ces titres – que la voie d’eau soit le fait des auteurs ou du lectorat – on continue notre Empaillé, dans l’allégresse, la soif de mordre et d’écrire des histoires, en doublant le tirage, à 4000 exemplaires. Santé !
Brèves du Numéro 2 :
La Dépêche ment ? Pour le gouvernement ! Suite au dernier remaniement du sinistre Hollande le 12 février, La Dépêche titre en une « Quatre nouveaux ministres pour un gouvernement de combat ». Dévoué, corps et âme. Même en cas de coup dur : le 27 mai, lendemain d’une 8ème journée de manifestation contre la « loi travail » du gouvernement Hollande-Valls-Baylet, le quotidien titre sa une en énorme : « Le mystère de la femme découpée ». Suivent « Rodez-CFA : le RAF joue son maintient » ainsi que « Valls évoque des améliorations » concernant la loi El Khomri. Les milliers de manifestant-es partout en France et dans la région iront voir ailleurs, en page 5, par la toute petite focale intitulée « Violences en marge des manifestations », en dessous de deux « vrais » articles sur « l’ouverture et la fermeté » de Valls, et l’économie qui « commence à souffrir ». L’éditorialiste de cette même page, le dévoué Jean-Pierre Bédéi, se lamente sur un redressement économique « pollué par la crise sociale », évoquant la manœuvre possible du gouvernement pour « ne pas braquer la CFDT » : « faire de la dentelle pour parvenir à un compromis qui renvoie la CGT dans l’isolement ». Mise à part la nullité de cet éditorialiste, le soutien à une loi de droite et une à stratégie anti-syndicale est total. Un peu plus loin, les pages Aveyron-Decazeville de l’édition du jour ouvrent en gros sur « Le message de Cazeneuve » puis, enfin, sur les « actions à Decazeville » contre la loi. Un petit article sur les rassemblements en page 20, puis la page 23, partagée entre les actions contre la loi et une interview de Cazeneuve, lèche-botte à souhait. Tout est organisé pour esquiver au maximum le mouvement social, et porter la voix du gouvernement tant que possible, et donc du patron-ministre qui dirige le journal. Le soir même, « Nuit debout Rodez » appelle à une manifestation « aux flambeaux ». Une annonce de dix mots est faite page 23. De 21h à 23h30, ce furent bien 150 personnes déterminées qui défilèrent dans les rues de Rodez. Le lendemain, comme le jour d’après, les centaines de milliers de lecteurs et lectrices de Midi-Libre, La Dépêche et Centre presse n’en n’ont rien su.
Et si les syndicats interdisaient leurs manifs ? En mâchouillant quelques chips, la veille de la manifestation parisienne interdite mais finalement autorisée pour être verrouillée à la fin, le 23 juin, Jean-Pierre Bédéi tapote un énième édito pour La Dépêche. Sans saveur, sans intelligence, très à droite. Après avoir dénoncé Mélenchon et le PCF, « toujours prompts à partir à l’assaut du gouvernement », son « bon sens » lui fait écrire que les syndicats auraient pu par eux-mêmes « mettre un terme à ces cortèges », pour les « risques de dérapage ». « Tout le monde a compris que la CGT et FO s’opposaient à la loi Travail, cette manifestation n’ajoutera rien à l’efficacité de leur combat puisque le gouvernement n’a pas l’intention de céder. » Reformulé autrement : Le gouvernement de son patron veut à tout prix passer cette loi en faveur du Medef, et n’a plus comme possibilité que d’interdire la manifestation parisienne pour étouffer cette lutte sociale qui dure depuis plus de trois mois. Alors si les syndicats pouvaient s’arrêter d’eux-mêmes…