Numéro 14 régional

L’A69 prend l’eau

Le tracé de l’autoroute pourrait être submergé sur 500 mètres en cas de crue et aggraverait les risques d’inondations aux alentours. Une source proche du dossier nous explique comment cette info semble avoir été noyée sous le bitume.

Selon nos informations, le bureau d’étude hydraulique travaillant pour NGE s’est rendu compte de l’inondabilité de l’autoroute en mettant en évidence des points de débordements du ruisseau de l’Herle, affluent du Girou qui passe sous l’autoroute au niveau de la commune de Bannières (limite du Tarn et Haute-Garonne). Il a donc essayé de trouver des solutions pour supprimer ces débordements via la construction d’ouvrages d’arts supplémentaires sous le remblai autoroutier. Mais étonnamment, l’étude d’impact hydraulique versée au dossier d’enquête publique n’a pas été modifiée.

Nous rencontrons une personne, souhaitant rester anonyme. Elle s’est plongée dans le dossier qui nous confirme qu’ « en zoomant sur les cartes de la commune de Bannières, au niveau d’un petit ruisseau qui s’appelle l’Herle, un affluent en rive droite du Girou, je me suis rendu compte qu’il y avait des zones sur-inondées de part et d’autre de l’autoroute. Cette zone potentielle inondée sur l’autoroute est longue de 500 mètres avec une hauteur d’eau maximale de plus d’un mètre, et cela à partir d’une crue décennale. Et avec le changement climatique, ce type de crue pourrait revenir plus fréquemment, par exemple tous les cinq ans ».

En cas d’inondation, l’eau présente au nord enjambe l’autoroute vers le sud. Une évidence, qu’elle a repérée, en faisant une comparaison avec les données altimétriques de l’ IGN. D’autant plus que la cartographie apparaît « inexacte ». En effet, les cartes d’impact qui comparent les zones inondées sans l’autoroute aux zones inondées avec l’autoroute, laissent croire que l’autoroute passe par dessus les zones inondables : « On a le tracé du remblai autoroutier en gris… qui apparaît au dessus des impacts des hauteurs d’eau dans les zones en rouge ! », alors que ce tracé aurait dû se retrouver visuellement en dessous. Et de conclure que « dans les cartes présentes dans l’étude hydraulique, l’information sur l’inondation de l’autoroute semble donc masquée. Soit le bureau d’étude a fait une erreur dommageable, soit cela a été sciemment masqué par le bureau d’étude ou le concessionnaire Atosca/NGE ».

D’autres éléments troublants apparaissent. Dans une expertise à destination des opposant.es, que nous nous sommes procurée, Jérémy Savatier, membre du conseil scientifique et technique de la Société Hydrotechnique de France, relève plusieurs erreurs méthodologiques dans cette étude d’impact hydraulique. Tout d’abord, concernant cette vallée du Girou, « aucune analyse de la répartition spatiale des pluies sur le bassin versant et autour n’est présentée ». Pour une étude concernant les eaux, c’est ballot. Par ailleurs « l’approche n’est pas non plus fondée scientifiquement puisqu’on ne peut pas se baser [ce qui est pourtant fait ici] sur les résultats (…) des chroniques de 21 ans ou 38 ans pour estimer correctement un débit centennal.»

Et concernant tout le tracé, « la plus forte crue connue a été prise en référence (…) alors que, pour les infrastructures majeures, l’application de la directive inondation prévoit [une crue] de retour millénale [qui pourrait d’ailleurs devenir plus fréquente que cela avec le changement climatique] ». Ensuite, les promoteurs de cette « autoroute verte » n’ont pas pris en compte « limpact du changement climatique sur l’hydrologie (…) que ce soit pour les cours d’eau ou pour le ruissellement ».Puis tout comme l’élu départemental Gilles Hébrard, il affirme que « sur certains secteurs [vont se créer après construction de l’autoroute] des zones inondées qui ne l’étaient pas auparavant, et également des zones précédemment inondables qui sont sur-inondées (…) avec bâtiments et activités ». Par ailleurs, il fait remarquer que « de manière étonnante, l’arrêté préfectoral [d’autorisation environnementale qui a donné feu vert aux travaux de l’autoroute] ne vise pas le Plan Gestion des Risques Inondations alors que les projets doivent être compatibles ». À croire que la Préf a voulu éviter de pointer une lacune…

Dans tous les cas, Atosca/NGE ne pourront pas dire qu’ils n’étaient pas au courant. Car c’est dès avril 2024 que ce lièvre est soulevé par Gilbert Hébrard, conseiller départemental (1). Lors de la Commission d’enquête parlementaire sur l’A69 (2), il déclare que « les travaux réalisés pour l’autoroute (…) nous inquiètent réellement [à cause de] l’augmentation des risques d’inondations. En effet, l’autoroute A69 traverse toute la plaine du Girou (…) inondée presque chaque année ». Il met en garde quant à « une sorte de digue qui semble se former entre l’autoroute et la rivière » et, qui à cause du « grand nombre d’affluents du Girou (…) pourrait aboutir à l’inondation des villages les plus exposés de Haute-Garonne » (3).

De quoi donner de l’eau au moulin aux opposant·es.

Alors, touché, coulé ?

Loïc Santiago