ETHANOL – Nicolas Serve
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C’est en m’enivrant de tous les fonds de bouteilles que j’avais disséminés ça et là dans l’appartement familial que je m’étais donné le courage d’affronter cette journée. J’y étais préparé, cela faisait des mois que la date était fixée. Elle paraissait lointaine, indistincte, comme un vague mirage qui n’arriverait de toute façon jamais. Mais ce jour est arrivé, une journée magnifique au froid sec et au soleil si dur qu’il révélait mon état d’ébriété dans toute sa violence et sa cruauté. En cette fin après-midi, c’est titubant que je pousse la porte d’entrée de cette clinique qui sera mon refuge pour les trois semaines à venir.
Depuis ce mercredi 9 janvier 2019, je n’ai plus touché à une goutte d’alcool, cette drogue dure dont la dépendance, une fois installée, est plus forte encore qu’à l’héroïne. Ce doux poison que l’on peut se procurer à chaque coin de rue, dans chaque bistrot ou chaque épicerie.
L’arrêt de l’alcool transforme une vie. Le rapport au monde, à son corps, aux autres et au temps n’est plus le même : toute la structure de l’existence est ébranlée et trouver un moyen de combler le vide laissé n’est pas chose aisée. Ce qui a motivé ce geste tient en un mot : « alcool » qui, en arabe, peut être traduit par « le menteur » ou bien « le voile ». J’ai fait le choix de lever ce voile.