Delga bidonne les chiffres du train
Pour justifier la construction d’une autoroute, la présidente de la Région Occitanie affirme que l’option ferroviaire coûterait un milliard d’euros, voire même beaucoup plus. Un mensonge extravagant, mis à jour par le collectif « Alternative ferroviaire ». Rencontre avec l’un de ses membres, Jean Olivier.
– Votre collectif vient de réaliser une étude chiffrant un projet ferroviaire qui constituerait une alternative à l’A69, en quoi met-elle en difficulté la communication de la Région ?
« Pour ce projet d’A69, il aurait fallut examiner le besoin de mobilités au regard des infrastructures existantes. L’arrêté préfectoral de mars 2023 autorisant les travaux affirme que l’autoroute apporterait plusieurs choses que les alternatives ne permettraient pas : désenclaver le bassin d’emploi Castres-Mazamet, gagner du temps et plus de sécurité. Pour écrire cela, ils étaient tenus de faire des études, mais cela n’a pas été évalué sérieusement et sincèrement. Or, il existe une voie ferrée qui a été refaite il y a quinze ans. Et le train, plus écologique, c’est moins de morts au kilomètre et c’est plus fiable et du même ordre de temps de trajet que l’autoroute, car on arrive dans le centre de Toulouse et non pas dans des embouteillages sur le périphérique. Quand on a commencé notre expertise à l’automne 2023, Carole Delga s’est mise à dire un peu partout qu’elle aurait bien aimé une alternative ferroviaire, mais que cela aurait coûté un milliard, soit… deux fois plus cher que l’autoroute. Ils savent que cette alternative ferroviaire est un point de fragilité juridique important pour l’A69. Mais son chiffre d’un milliard est bidon, notre travail montre que c’est dix fois moins !
– Delga lance-t-elle ce chiffre grossier au bluff, en estimant que personne ne s’y intéressera pour le contester ?
On dirait. Et plus elle s’enfonce, plus elle fait des erreurs. Après notre conférence de presse en janvier, La Dépêche lui a téléphoné pour qu’elle justifie son milliard. Elle a expliqué qu’il faudrait entièrement doubler la voie, ce qui permettrait de mettre des trains… toutes les cinq minutes et transporter ainsi plus de 50 000 personnes par jour, dans un sens et dans l’autre, c’est à dire comme si l’on prévoyait de transporter tous les emplois de Castres et Mazamet depuis et vers Toulouse, matin et soir ! Ce n’est clairement pas le besoin, car pour l’autoroute on nous parle d’environ 6000 personnes faisant le trajet en voiture. Nous, on a tablé sur un service de trains pouvant transporter au moins 6500 personnes assises par jour, dans chaque sens. Suite à cela, les député·es LFI d’Occitanie ont fait un courrier à la présidente de Région, pour qu’elle précise ses chiffres. Sans se démonter, elle reconnaît dans un courrier du 7 mars qu’elle avance ses chiffres sans étude et que ses déclarations sur le milliard viennent de « dires » d’experts de SNCF réseau. Elle écrit même que les options techniques qu’elle chiffrait à près d’un milliard d’euros le 20 janvier, coûteraient désormais 2,7 milliards en mars, et même 4 milliards en estimant une inflation hypothétique à dix ans ! Reste que s’il n’existe pas d’étude officielle sérieuse sur l’alternative ferroviaire, ça rend illégal et nul l’arrêté préfectoral et le projet d’autoroute.
– Peux-tu nous parler de vos propres estimations, que vous avez même revues à la baisse ?
Cette ligne de voie ferrée entre Toulouse et Castres a été refaite en 2009, ce sont des voies ferrées modernes qui peuvent supporter des TER pouvant rouler jusqu’à 160 km/heure, au lieu de 110 aujourd’hui. Si on relève simplement la vitesse il faut aussi installer une signalisation moderne, pour 30 millions. Et pour du cadencement des trains à la demi-heure, il y a déjà des doubles voies sur une bonne partie du trajet à la sortie de Toulouse jusqu’à Saint-Sulpice, suffisamment pour que des trains puissent s’y croiser. Il manque uniquement une nouvelle gare de croisement entre Lavaur et Castres, à hauteur de Guitalens-l’Albarède, pouvant coûter autour de cinq millions, sachant qu’il existe déjà d’autres gares de croisement sur la ligne, dont une à Cauquillous, construite exprès pour Pierre Fabre autour de l’an 2000. Enfin, comme on fait circuler deux fois plus de trains, il faut en acheter cinq de plus, à huit millions la rame, soit 40 millions d’euros de plus. Au total c’est donc 80 millions d’euros, qu’on a estimé sur la base d’un travail d’horairiste, avec toutes les contraintes et règles de la SNCF. On a aussi fait contre-expertiser notre approche par deux experts ferroviaires indépendants, dont Daniel Emery qui a expertisé il y a quelques années l’ensemble du réseau français pour le compte de la SNCF.
– 4 milliards contre 80 millions…c’est étonnant d’absurdité…
Et en plus la voie ferrée, c’est que six mètres de large. Et avec notre projet qui crée une seule gare et une double voie sur 400 mètres, on transporte autant de monde qu’avec une autoroute de 30 mètres de large qu’il faut construire intégralement, qui artificialise les sols, etc. Avec une voie ferrée, l’eau continue à passer à travers le ballast, il y a des arbres qui la bordent, et des animaux qui peuvent traverser, à la différence de l’autoroute grillagée. Donc, au lieu de prendre des cars ou des trains depuis Castres, on va rouler à 130 km/heure, payer 20 euros de péage, garer sa voiture sur des parkings payants, puis payer le car Lio jusqu’au centre-ville… Alors qu’en train on arrive directement gare Matabiau !
Propos recueillis par Loïc Santiago / Illustration : Belette