De la rue au comico
Le collectif BDS Montpellier fait face à un important lobbying local pro-israélien, et les militant·es font des passages réguliers au commissariat…
José-Luis Moraguès est membre du collectif Boycott Désinvestissement Sanctions Occitanie (BDS) qu’il qualifie de « non-violent, radicalement anti-raciste, et populaire ». Leur mouvement est une cible depuis longtemps et lui-même se prépare à un procès le 5 septembre pour « diffamation publique », suite à des plaintes du sénateur socialiste Hussein Bourgi et de la présidente de région Carole Delga. Il avait partagé une affiche sur les réseaux appelant aux « sanctions contre Israël et ses complices », où le mot « génocide » recouvrait les photos de Netanyahou, ses ministres et des dirigeants occidentaux. En plus petit, s’y retrouvait également Delafosse, le maire de Montpellier, ainsi que Delga et Bourgi.
Celui ou celle qui a réalisé cette affiche avait certainement en tête cette sortie de Carole Delga, le 12 octobre sur RMC, lorsqu’elle affirmait que « oui », il fallait interdire toutes les manifestations pro-palestiniennes, pour éviter un « embrasement de la France et d’être dans des postures qui vont créer une opposition entre musulmans et juifs » alors que « la France est laïque ». Chacun appréciera, alors que les bombes pleuvaient déjà sur la population civile de Gaza.
Au travers de cette affiche, selon José-Luis, la cible principale était cette « journée de Jésuralem » qui est célébrée chaque année localement : « Montpellier est la seule ville de France qui la commémore, et même la seule ville en Europe ! Pour eux c’est la réunification de Jérusalem, pour nous c’est l’annexion de la ville depuis le 7 juin 1967, prise militairement, puis capitale une et indivisible d’Israël ». Une annexion condamnée par les résolutions de l’ONU. Cette année ils fêtent en grande pompe la 47ème année avec le centre culturel juif Simone Veil à la manœuvre, qui encore début juin affichait un soutien sans limite à l’armée israélienne : « Rien ne nous détournera de l’admiration que nous avons pour ce pays et son peuple. (…) Nous pensons jour après jour à ces soldats et soldates qui se battent (…) pour que plus jamais l’on puisse porter atteinte à l’intégrité d’un peuple qui est un exemple pour le monde de force et de courage. » Cet événement est « largement subventionné par la mairie » selon José-Luis, et les édiles de Montpellier viennent toujours en personne, pendant que le département et la région envoient à minima un représentant et affichent leur logo sur la comm’ de la manifestation.
Lorsqu’il raconte le jour de la convocation suite à cette plainte, José-Luis ironise : « Ils me connaissent, c’est au moins la vingtième audition que je passe à Montpellier depuis 2015 ! » Pourtant, toutes les procédures ont été classées sans suite : « Il y a eu trois plaintes du Crif pour antisémitisme, et nous avons aussi eu des auditions suite à des actions qu’on a menées, notamment à Carrefour pour des actions de boycott, ou à Lidl lorsque nous avions occupé son centre régional à Lunel. On a eu les conseils de Gilles Devers qui était notre avocat (1). Il nous a formés pour répondre, sur la base du droit international. On a donné tous les arguments, les raisons pour lesquelles on faisait ce boycott, sur les colonies, sur l’étiquetage, sur la nécessité de ces actions en montrant comment l’agriculture coloniale liquidait la paysannerie palestinienne. Et pour l’instant ça a marché ». En effet, aucune poursuite n’a eu lieu sur les huit plaintes portées contre José et ses camarades. « Je n’ai eu que trois procès au tribunal de police, car je refusais de payer certaines amendes ».
Depuis quelques temps, c’est aussi le stand de BDS qui est attaqué. Le collectif avait pour habitude de le tenir place de la Comédie, avec table et barnum, et cela n’a jamais posé de problème par le passé. L’ancien maire Sorel avait commencé à durcir le ton, en demandant des autorisations. Depuis le 7 octobre, le maire Delafosse les prend en grippe, refusant que ce stand et sa banderole « Stop au génocide » squatte devant sa mairie. Le même estimait le 25 juin 2023, alors qu’il recevait le maire de la ville israélienne de Tibériade, qu’il était « mensonger de parler d’apartheid israélien » (2), contrairement à l’avis des rapports de l’ONU. Selon José-Luis, le maire a donc tout fait pour empêcher leur présence en envoyant sa police à plusieurs reprises. « On refuse chaque fois de partir, en désobéissance civile », glisse le militant. Résultat : onze procès-verbaux en trois mois.
Comme ailleurs, le préfet a tenté d’annuler les premières manifestations, et encore récemment, avec un rassemblement interdit le 24 mai, justifié par… la répression en cours : le procès à venir et les PV à répétition deviennent des éléments à charge contre le collectif ! D’après José-Luis, il faut être clair : aujourd’hui, « le soutien à Israël, c’est le soutien à une colonisation de peuplement, à l’emprisonnement des Palestiniens, au blocus de Gaza, à l’apartheid, et tout ça ce sont des idées d’extrême droite qui pénètrent dans différents partis ; des idées coloniales, de domination, de racisme. »
Plus d’infos : www.bdsfmontpellier.org
1 : C’est lui qui porte aujourd’hui la plainte contre Netanyahou à la Cour pénale internationale.
2 : Le maire fait alors la une de Midi libre avec cette citation.
Texte : Emile Progeault / Photo: Antoine Berlioz