Numéro 2
Le jour se lève avec peine. Déjà les voilà qui arpentent vallons et plateaux, observent, décryptent, les nerfs en boule, la boule au ventre.
Ici un arbre synthétique cache une forêt de mensonges.
Là une bordée d’éoliennes miment un avenir radieux.
Ici une patrie se veut reconnaissante d’être conditionnée par un patron sans merci.
Inlassablement le décor est pointé, le rayon est de quelques dizaines de kilomètres à peine.
Illes glissent leur nez dans les contrevents, s’amarrent aux piquets de grève, se jouent des courants d’ère. Des heures, des heures, sur leurs ordinateurs.
Ici un paysan a tué une jeune femme, pour rétablir un équilibre impossible à atteindre.
Là une zone d’élevage concentrationnaire se veut « de tradition » – voyez l’accueil réservé à ces oiseaux de malheur.
Là on se recueille dans un hôtel de luxe, avec la bénédiction du contribuable et de l’évêché.
Illes tendent l’oreille pour se faire porte-voix, contrer la fermeture du lieu où les enfants naissent, clamer l’envie de rôder debout.
Mais d’autres contrées parviennent des bruits plus effroyables encore.
Des guerres n’en finissent pas d’arriver. Des machines inlassablement fracturent le sol et en épuisent les richesses. L’urgence est bien partout, et dans tous ses états, mais certains s’appliquent à l’ordonner, ils la policent, assurément elle sert.
La presse locale se dépêche de filtrer tout ce fracas du monde, garantissant le soleil qui toujours poudroie, l’herbe qui toujours verdoie, mettant l’habitant qui n’en demande pas tant à l’abri des morts aux vaches.
Au grand jeu du stop ou encore, marre d’être pris par des cons.
Alors le terrain fait des vagues, on cherche à s’élever.
On apprend à marcher sur la tête, pour renverser le décor. Les perspectives sont modifiées : le réel y ricoche mieux. On fait le plein d’hyperboles, on met ses oripeaux de fête, on se rince l’ouïe avec des sons abrupts. Les chèvres sont attelées en triangle d’or, on change une roue à la fortune, les saisonnières punks montrent la ligne de crête: il est temps de rugir, le chaos les attend. L’essaim nu mène la danse ; bien malin celui qui voudra l’empailler.