Numéro 15 régional

Moissac aux mains d’un identitaire

Pile, le maire Romain Lopez est un enfant du pays, belle gueule et rassembleur de la droite locale. Face, c’est un frontiste sulfureux, proche des intégristes et épinglé pour des posts antisémites. Au final, ce sont les moissagais·es qui trinquent.

« Ce n’est pas le maire de tous les moissagais, c’est un propagandiste, et chacune de ses actions a un sens politique ». Le militant insoumis Yannick Petitou nous résume bien la stratégie de Romain Lopez : utiliser Moissac pour faire parler de lui et diffuser l’idéologie identitaire de sa cheffe, Marion Maréchal Le Pen, dont il fut l’attaché parlementaire. En revanche, la situation ne s’est pas arrangée pour la population, dont 20 % est au chômage et 25 % vit en dessous du seuil de pauvreté.

Dans cette ville de 12 000 habitant·es qui a connu une arrivée importante de roms bulgares depuis 2006, atteignant 10 % de la population en été, Lopez a surfé sur la xénophobie ambiante pour l’emporter. Il a dénoncé la multiplication de commerces roms, et leur a reproché de squatter la rue, d’être bruyants, de négliger la gestion des poubelles, etc. « Les gens sont très gênés par leur présence », soutenait-il (1). L’ironie dans tout ça, c’est que ces travailleur·euses étrangers sont indispensables à l’économie locale pour le ramassage et le conditionnement des productions fruitières. Des emplois saisonniers difficiles et mal-payés – 25 000 sont recrutés chaque année dans le Tarn-et-Garonne. On se retrouve avec certains employeurs qui votent RN, et « qui exploitent éhontément une main d’œuvre émigrée », selon Yannick Petitou. Et si les Roms se sont concentrés dans un quartier du centre ville, c’est qu’ils y trouvent les logements les moins chers – mais insalubres – où ils et elles cohabitent parfois jusqu’à dix dans des appartements ou des commerces fermés.

L’extrême droite radicale aux commandes

Cette attitude xénophobe n’est pas étonnante. En janvier 2015 déjà, ce dernier épanche son antisémitisme sur les réseaux. À l’époque, il est fraîchement encarté au FN et proche des cercles d’Alain Soral, l’ultra-droite tendance nationaliste-révolutionnaire. Dans des tweets adressés à cette figure de la fachosphère, il évoque des massacres de chrétiens et déplore qu’ils « ne sont ni journalistes ni Juifs. Donc le système se frego », reprenant ainsi la devise de Mussolini (2). Un groupe d’étude sur l’antisémitisme à l’assemblée ? « Comme s’il n’y avait pas eu assez d’études sur ce sujet », déplore-t-il. Sans oublier sa charge contre l’historien Serge Klarsfeld qui selon lui « amalgame la Shoah avec les épopées coloniales », ajoutant pour qu’on le comprenne bien : « Les apôtres du complexe victimaire ne savent plus quoi inventer! ». Questionné par Le Monde en 2020, il concède des erreurs, mais insiste : « Vous savez, ici, ces tweets n’intéressent personne. »

Pour l’emporter à Moissac à 31 ans, Lopez met en scène une union des droites, reprenant la recette gagnante de Aliot à Perpignan et Ménard à Béziers : agglomérer sur une liste quelques vieux notables de droite et une poignée d’opportunistes, enlever l’étiquette RN et toute référence au clan Le Pen, puis gouverner la mairie avec un cercle rapproché d’élu·es d’extrême droite. Sophie Lopez, l’adjointe à la culture est ainsi un soutien de Zemmour. Quant au directeur de cabinet Quentin Lamotte, c’est un frontiste toulousain, omniprésent, qui fait taire toute opposition et verrouille la gestion municipale. Quand Marie Cavalié, élue d’opposition PS, lui signale un tag antisémite sur un mur de la ville – un « Raus » (dehors!) avec une étoile juive – il lui répond par courrier qu’il n’interviendra que « sur demande du propriétaire du mur », et qu’il ne comprend pas la signification du message… L’inscription haineuse restera des semaines, à la vue de tous et toutes.

Dans le cabinet de Lopez, ajoutons Bruno Lervoire, qui supervise la communication. Ce jeune de 31 ans est l’ancien chef du RN lotois et désormais l’un des responsables de Reconquête pour le Tarn-et-Garonne. Il est partisan de la mise en place d’un ministère de la « remigration » et arbore une chevalière néo-fasciste à la main (3). Rien d’étonnant pour celui qui relaie sur ses réseaux la propagande du complotiste Philipot comme celle de la star masculiniste et antisémite américaine, Andrew Tate. Un post de cet abruti se retrouve ainsi sur le compte X de Lervoire le 27 juillet, selon lequel la cérémonie d’ouverture des JO « planifiée et orchestrée par un juif gay, était dégoûtante ». Sur les réseaux, le directeur de la communication de Moissac est aussi un adepte du très souverainiste cercle Aristote. Son président est Pierre-Yves Rougeyron, proche d’Alain Soral et de Serge Ayoub, skinhead néo-fasciste parisien.

Lopez et son entourage donnent donc tous les gages pour avoir l’approbation à la fois de Valeurs Actuelles, du média identitaire L’incorrect, des catholiques intégristes du site Salon Beige ou du groupuscule néo-fasciste Languedoc nationaliste (4). Depuis son élection, le maire continue d’enchaîner les coups médiatiques et les discours haineux. En décembre 2023, dans une vidéo postée sur les réseaux, il se « révolte » contre « cette justice qui donne raison aux voyous et à la racaille », quand des mineurs de Moissac sont remis en liberté, alors qu’ils sont accusés d’avoir brûlé des voitures de police (en réaction au meurtre de Nahel). Il défend ouvertement la France coloniale lors de cérémonies officielles à Moissac dans lesquelles il cite Charles Maurras, invitant les français à « ne pas à rougir de notre histoire, et à célébrer auprès des jeunes nos éclatantes victoires, qu’elles furent royales, impériales ou républicaines ». Il sombre aussi dans un révisionnisme historique outrancier en affirmant que « les nationalistes, royalistes, catholiques, traditionalistes » étaient « l’armée de l’ombre face à l’Allemagne éternelle », alors que la plupart garnissaient les troupes pétainistes. On ne s’attarde pas sur ses envolées sur Facebook à propos du « diktat des gauchistes et wokistes infiltrés dans toutes les sphères de la fonction publique de l’État », sur des « décennies de laxisme [qui] ont conduit notre Nation vers l’ensauvagement » ou sur son amour pour l’« éternel » Jean-Marie Le Pen (5).

Politique anti-pauvres

À Moissac, Lopez promet la tolérance zéro. Il s’emporte en novembre 2021 dans son magazine municipal contre un « système trop permissif », souhaite faire travailler gratos les personnes au RSA dans les Ehpad et supprimer les aides aux délinquants et aux « parents irresponsables ». Il entend lutter de toutes ses forces contre « les profiteurs abusant des aides sociales ». Visant les roms bulgares, il dénonce un « tourisme social » de ceux et celles qui « effectuent des déplacements réguliers entre Moissac et leur pays d’origine » et « profitent du système pour rentrer dans leur pays et y dépenser en partie des allocations issues de la solidarité nationale ». Droit dans ses bottes, il augmente alors de trois mois à un an la durée de résidence nécessaire pour obtenir les aides municipales, excluant de fait toute la main-d’œuvre immigrée qui fait des allers et retours. Son but : opposer les étrangers et les français, et opposer des « individus inactifs » qui toucheraient « 4000 euros d’allocations [sic] et un logement social » et des ouvriers qui « s’usent pour un simple Smic ».

Et puisque l’assistanat est son cheval de bataille, il va réduire en miette le CCAS de la ville, en supprimant les trois quarts de ses missions et en reprenant en gestion directe d’une partie d’entre elles. Exit « l’assistante sociale qui gérait le service du RSA et la conseillère en économie sociale et familiale qui réalisait l’accompagnement social », selon l’élue Marie Cavalié. Il ne reste plus que « le portage des repas ». La petite enfance, le service logement et les aides municipales sont gérés directement par l’adjointe au logement et par le maire. Auparavant, pour apporter une aide de secours liée à EDF ou à la cantine, un travailleur social élaborait un dossier, anonymisé, qu’il présentait à la commission du CCAS composée d’une quinzaine de personnes, représentatives des élu·es et des associations. Désormais, Lopez a levé le secret des aides aux familles et « ils sont trois à décider en mairie, lui, son adjointe et une personne qu’il a choisie parmi les assos », d’après l’élue. L’opacité la plus totale règne autour de ces aides, leur montant comme leurs modalités d’attribution : « Ça ouvre la voie au clientélisme. C’est une gestion directe en mairie pour tout contrôler. »

Yannick Petitou, par ailleurs conseiller à la sécurité sociale, souligne dans la même veine que Lopez est « le seul maire du département, depuis le début de son mandat, à avoir refusé d’abonder le fonds de compensation handicap,  », qui sert à payer des équipements aux personnes invalides. « Les dossiers étaient anonymes, et Lopez voulait connaître l’identité des gens à qui une aide était versée. Mais on n’a pas voulu lever l’anonymat. »

En octobre 2021, il décide de rendre inéligible aux aides municipales la famille d’un jeune de Moissac accusé de faits mineurs. Salué par la fachosphère, il ira jusqu’au plateau télé de Hanouna en prime time pour recevoir les félicitations de l’identitaire Juliette Briens : « Ça fait plaisir de rencontrer un élu avec une paire de couilles, les français en ont marre de voir des gamins leur cracher à la gueule.» Lopez est ravi, et sur sa lancée, il empêchera aussi les aides de sa mairie aux familles dont les enfants présentent un absentéisme scolaire.

Le maire s’est aussi attaqué aux associations d’action sociale, dont le montant des aides de fonctionnement a subi une chute vertigineuse, passant de 186 000 euros en 2020 à 4700 euros en 2024(6). Il s’est ainsi attaqué à Escale Confluences, qui gère le 115 local, un centre d’hébergement aux demandeurs d’asile et un accueil de jour avec service de domiciliation. Puisque l’association aide les Bulgares, elle s’est retrouvée dans le collimateur du cabinet du maire, qui est revenu sur cinq années de charges qui n’avaient pas été réclamées par l’ancienne municipalité (soit 45 000 euros). Lopez leur a également coupé les subventions municipales pour un total de 60 000 euros, dont celle liée aux médiations de rue. Il s’en félicite auprès de La Dépêche en juillet 2023 : « Verser une subvention pour la médiation linguistique à l’égard des Roms de Bulgarie n’entre pas dans notre politique municipale. Plus on dépense de l’argent pour assister les étrangers, moins ils s’intègrent et plus ils s’enferment dans leurs communautés ».

Par contre, ce que voient les habitant·es, c’est la hausse des tarifs municipaux, notamment pour les plus modestes : doublement pour l’inscription à l’école de musique, hausse de 30 centimes par repas à la cantine, passage de 1 à 5 euros la journée pour le centre de loisirs, 1,5 euros pour le portage des repas, etc. De son côté, le maire s’est fortement augmenté son indemnité pour atteindre aujourd’hui 4085 euros, ce qui ajouté à ses autres fonctions départementales et communautaires, lui offre un revenu brut autour de 6500 euros.

Rentrer dans le rang ou disparaître

Les associations culturelles n’ont pas moins souffert. Au vu de la baisse drastique des subventions de fonctionnement, passant d’un total de 210 000 euros en 2020 à 32 000 euros en 2024, autant vous dire que la liste des structures impactées par l’arrivée de Lopez à la mairie est longue comme le bras tendu. La compagnie Arène théâtre est la première à faire les frais de l’élu d’extrême droite. Installée depuis dix ans au centre culturel, elle avait pris parti contre lui pendant la campagne, appelant à « faire tous ensemble barrage au vide identitaire érigé en pensée ». La punition est immédiate, elle est contrainte de quitter la ville au lendemain de l’élection.

Le Moissac Animations jeunes, qui animait un centre de loisirs, s’est vu sucrer sa subvention municipale (40 % de son budget) et a été obligé de mettre la clef sous la porte, après 30 ans d’existence. Une activité qui va dorénavant être gérée en mairie. Lopez reprend aussi en main la programmation culturelle et contraint Moissac Culture vibrations à tirer sa révérence : fin des subventions pour l’association et fin de l’emblématique festival Voix qu’elle organisait.

L’Office municipal des Sports, qui regroupait toutes les associations sportives pour notamment mettre au point les critères de subventions, a été remercié. Dans son bilan de mi-mandat, l’opposition dénonce le dénigrement de « 30 années de fonctionnement collégial », car désormais la mairie décide seule, sans rendre de compte. Cela participe d’une « une mise au pas des associations sportives », avec un budget dédié à leurs subventions de fonctionnement qui passe de 125 000 en 2020 à 72 000 euros en 2024.

On pourrait citer aussi Les Amis de l’ancienne Abbaye de Moissac et son projet de musée qui a dû être abandonné, malgré les 200 000 euros de frais qui avaient déjà été engagés dans les préparatifs. Même scénario pour l’association Firmin Bouisset (du nom de cet illustrateur natif de la ville), qui avait un projet de musée à Moissac et qui a été éjectée de la ville, contrainte de réaliser son projet dans la commune voisine de Castelsarrasin.

L’association Lire sous ogive complète la liste des structures disparues. Elle organisait activités et conférences à la médiathèque, et a eu ses vivres coupées. Ce seront dorénavant les salarié·s de la médiathèque qui feront ce travail, et la programmation des conférences pourra être contrôlée par la mairie. Quant aux rayons de la bibliothèque, ils ont été amputés des ouvrages « considérés comme « trop à gauche » », une censure dénoncée par l’opposition dans son bilan de mi-mandat.

Même lorsque les associations ne dépendent pas de subventions, Lopez parvient à leur mettre des bâtons dans les roues. Ainsi le festival Migrants scène, organisé par la Cimade, devait se tenir au centre culturel, mais le maire a annulé une semaine avant en prétextant des travaux imaginaires. Selon Maryse Alayrac, investie dans l’association, « c‘était un acte militant de demander une salle municipale à Moissac, on était persuadé qu’il nous la refuserait, et contre toute attente on a eu une réponse positive ! » Mais lorsque Lamotte, « son éminence grise », a vu l’adresse parisienne de la Cimade sur la convention de location, avec la signature de la déléguée régionale, « ça a dû allumer les lumières à la mairie. Il a dû dire à Lopez : mais qu’est-ce que tu as foutu ! D’ailleurs ce dernier avait déjà déclaré officiellement qu’il ne donnerait jamais de subvention à la Cimade…»

Quant au festival « des joies et des couleurs » organisé par l’association Du Canal à la Gare, il s’est tout simplement vu refuser l’espace public par le maire, qui juge cet événement trop « communautariste ». Selon Maryse Alayrac, cette fête multiculturelle réunit chaque année « toutes les communautés de Moissac, avec des stands, des repas, des spectacles ». En 2023, elle s’était tenue place Montebello, avec environ 400 personnes. Cette censure a de quoi étonner au premier abord : « Il n’y avait rien de subversif, pas du tout, et ça convenait à tout le monde. Mais pour Lopez, il faut bouffer du bleu blanc rouge à toutes les sauces et se mettre une croix de Jésus collée sur le front ».

Nathalie Simonet, militante locale et ancienne gilet jaune, évoque aussi les « assemblées ciné-toyennes » qui ne pourront plus avoir lieu au centre culturel géré par la mairie, suite à une projection sur le nucléaire avec Stop Golfech en invité : « Le maire, pro-nucléaire, ne l’a pas supporté. C’est la cinquième association qui ne peut plus exercer une activité ou faire des projections au centre culturel. Le maire veut qu’il n’y ait plus aucun débat public ou politique ».

Même des lieux qui ne dépendent pas de la mairie sont dans le viseur de Lopez. Ainsi l’Amphi, un ancien théâtre, a dû fermer après le passage d’une commission de sécurité mandatée par la mairie.  Le propriétaire, âgé, ne pouvait pas faire les travaux, et il y a désormais de fortes chances que ce soit la mairie qui le rachète, supprimant le dernier lieu à disposition des associations dissidentes. Il servait notamment au « Nouvel amphi », qui y organisait toutes sortes d’événements culturels. Sa présidente, Françoise Fontanier, a d’ailleurs eu maille à partir avec la mairie. Lors d’une déambulation musicale avec des enfants en 2021, elle s’était faite interpeller par les policiers municipaux pour non port du masque, ils l’avaient brutalisée et mise au sol. Le comble, c’est qu’elle a coordonné la mobilisation citoyenne » des masques pour Moissac » de mars à juin 2020, avec 11 000 masques distribués gratuitement à la population du secteur…

Défilés de miss, de curés et de policiers

Les miettes que la municipalité met dans la culture permettent tout de même de créer quelques événements. Ici un chanteur à la mode, là des orchestres élitistes au cloître, et les élections de miss, célébrées par l’édile qui pose avec les deux gagnantes. Mais sa politique culturelle consiste surtout à remettre la religion catholique au centre. « C’est un de ses moteurs politiques, il est en croisade, c’est la reconquête », selon Yannick Petitou. En parallèle d’une stratégie de rénovation des églises et des petites chapelles de la commune avec des budgets conséquents, « un véritable gâchis » d’après le militant, le maire met aussi le paquet sur les événements religieux. Selon l’élue PS Marie Cavalié, « il va maintenir, créer ou récréer des espèces de cérémonies religieuses, en mettant en place à Moissac des processions qui n’existaient pas, des processions où il défile avec un reliquaire au moment de la Pentecôte.»

En 2022, c’est l’association Marie de Nazareth qui est conviée par la mairie pour organiser le week-end du 15 août. Au menu : messe, projection, conférences… et procession. Toute la ville est aux couleurs bleu et blanc de la vierge Marie, avec un accrochage de fanions sur le mobilier urbain réalisé grâce aux employés municipaux. Cette association parisienne n’est pas choisie par hasard : elle est dans l’escarcelle du RN et milite vigoureusement contre l’avortement via un de ces conférenciers pro-vie, Matthieu Lavagna. Dans La vocation de la France : servir les cœurs unis de Jésus et Marie, édité en 2022, l’idéologie lepéniste de l’association est clairement revendiquée lorsqu’elle évoque «  une guerre à mort qui se joue entre la civilisation judéo-chrétienne, qui a bâti l’Occident selon la liberté des enfants de Dieu, et une idéologie mondialiste qui veut déconstruire ses valeurs morales et spirituelles ».

Sans surprise, le maire d’extrême droite mise aussi sur une politique sécuritaire ostentatoire. Les effectifs de police avaient déjà été augmentés dans le mandat précédent et Lopez veut atteindre les 13 policiers municipaux en fin de mandat. Des patrouilles communes – et visibles – sont organisées avec la gendarmerie, quand ce n’est pas le maire lui-même qui accompagne ses policiers pour une virée nocturne, afin de poster ses exploits sur ses réseaux sociaux. À cela s’ajoutent des caméras de vidéo-surveillance supplémentaires qu’il a installées cet été en plus de la trentaine déjà présentes. Enfin, il entend faire respecter toute une série d’arrêtés municipaux : il prolonge le couvre-feu pour les mineur·es après 23h de l’ancien maire, il prend un arrêté anti-regroupement dans plusieurs quartiers de mars à septembre, il interdit d’étendre le linge aux fenêtres, de jouer au ballon dans certains espaces publics, de jeter les coques des graines de tournesol dans la rue…

Un tel bilan peut laisser penser que le mandat de Lopez ne sera qu’une parenthèse dans l’histoire locale. Mais les choses ne sont pas si simples, l’édile a ses partisans et une chape de plomb recouvre le monde associatif. Nathalie Simonet insiste sur l’idéologie zemmouriste du maire : « Ici c’est plus dur qu’une mairie RN. On a des atteintes aux libertés, à la liberté d’expression ». Françoise Fontanier nous confie qu’à Moissac, « on se sent un peu abandonnés, la ville a un côté déprimé », mais elle ne baisse pas les bras : « Il faut restaurer et entretenir du lien entre les habitants, continuer à se côtoyer pour apprendre à vivre et faire ensemble, prendre conscience qu’un dialogue politique est nécessaire pour se rassembler ». Mais d’après Marie Cavalié, « il a vraiment saccagé la ville, donc on se dit que même si on arrive à reprendre la place, on va passer un mandat à reconstruire les choses ».

Pendant ce temps, le maire surfe, comme toute l’extrême droite, sur le meurtre de la jeune Philippine et son meurtrier supposé, un immigré expulsable. Eric Zemmour lance la surenchère identitaire en parlant de « francocide » et impulse des collages d’affiches xénophobes… que des militant-es de gauche se sont empressés de décoller un peu partout, vidéos à l’appui. Sur X, fin septembre, Lopez les traite « d’ordures ». On lui retourne le compliment.

1) « Moissac, la « ville de Justes » conquise par l’extrême droite », Libération, 29 juin 2020.

2) « Me ne frego » ou « je m’en fous » est une devise du dictateur Benito Mussolini.

3) Il s’agit de la Chevalière Spartiate Mos Majorum, vendue par Kalos, « une marque nationaliste et suprémaciste blanc fondée en 2020 par une entreprise appelée Yvecom basée à Lyon », selon le site Indextreme, qui répertorie toute l’imagerie et les symboles des groupes néo-fascistes.

4) Suite à l’élection de Lopez, le blog communiste Moissac au cœur a été la cible de nombreux messages haineux qui affirmaient leur soutien au maire. Notamment de la part du groupe Languedoc nationaliste, avec le pseudo « les amis de romain », ou de la part d’un autre cadre RN du département, Pierre Verdier.

5) « À Moissac, la banalisation de l’extrême droite version locale », Mediapart, 28 juin 2023.

6) Tous les chiffres du budget municipal figurent dans le bilan de mi-mandat 2020-2023 de l’opposition.

Texte : Emile Progeault / Illustration : Foolmoon