Numéro 15 régional

Les radios associatives en péril

Dans son documentaire radiophonique  Drôle d’avenir pour les radios assos *, Claire Kachkouch Soussi, journaliste à Radio Rd’autan dans le Tarn questionne les enjeux, les défis et les stratégies auxquelles sont confrontées les radios face à la révolution numérique. Dans son « livre blanc de la radio » sorti le 18 juin dernier, l’Arcom (qui accorde les fréquences de la bande FM) confirme sa volonté d’abandon progressif de la FM pour toutes les radios, qui sont invitées à se mettre au diapason… du DAB+.

Cet acronyme de digital audio broadcasting est aussi connu sous le nom de RNT, pour « radio numérique terrestre ». Mais cette transition équivalente au passage de la télévision hertizienne à la TNT ne va pas sans susciter la méfiance des acteurs et actrices de nos radios de proximité. Premièrement, parce que pour émettre en DAB+, il faut pouvoir créer un « multiplexe » en réunissant 13 radios différentes et qui partageraient les mêmes besoins techniques et… des budgets similaires. Très difficile pour les radios des territoires ruraux. Ensuite, parce que les stations doivent s’engager à couvrir au moins 70 % de la future zone d’émission (souvent à l’échelle d’un département voire plus), ce qui bouleverse parfois profondément le projet radiophonique ultra-local de certaines de ces antennes qui fonctionnent telles de véritables plate-formes d’échange avec les habitant·es de leur territoire spécifique. En témoignent les animateurs de Radio Larzac dans le documentaire, qui se sentent peu légitimes d’émettre jusqu’à Rodez pourtant juste à coté.

Et puis, le passage au numérique entraîne un surcoût pour les radios (qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros par an), et vient fragiliser un modèle économique déjà très précaire. Au micro de Claire Kachkouch Soussi, les responsables des radios qui sont déjà passés au DAB+ avouent se retrouver face à de nouvelles problématiques : dans l’une il est question de recruter trois bénévoles pour remplacer un poste salarié impossible à maintenir, dans l’autre on réfléchit sérieusement au recours à la publicité… Du côté des auditeurs et auditrices (qui possèdent en France en moyenne sept appareils capables de capter la FM dans leur foyer), il va aussi falloir sérieusement mettre la main à la bourse pour changer les différents appareils de la maison ainsi que les autoradios ! Sans parler de la montagne de déchets plastiques et électroniques …

Au delà de l’aspect matériel, les protagonistes du documentaire encouragent à lutter pour le maintien de la FM à tout prix, car dans un contexte technique et politique de plus en plus incertain, c’est bien la liberté d’expression qui pourrait être en jeu. En effet, le DAB+ n’est probablement qu’une solution tampon et sera vite (ou déjà ?) éclipsé par les écoutes via les smartphones, ce qui pourrait à terme rendre les stations de radio dépendantes du bon-vouloir des opérateurs télécoms, qui pourraient décider de faire obstacle à une fréquence.

Autre point non négligeable : si aujourd’hui la technique du broadcast (utilisé en FM et en DAB+) permet de faire passer les informations de l’émetteur au récepteur mais pas l’inverse, garantissant ainsi l’anonymat et la discrétion quant à nos préférences sonores ; ce n’est pas le cas du smartphone, connecté en IP, qui émet donc dans les deux sens, et qui communiquera en permanence les infos sur nos centres d’intérêts, et l’assiduité à tel ou tel contenu.

La révolution numérique a bel et bien commencé dans le monde des radios associatives, alors il est grand temps de s’organiser pour défendre cet espace important pour nos vies et nos luttes qu’est la bande FM !

NB : Au moment où nous bouclons cet Empaillé, nous apprenons que le ministère de la Culture supprime 29 % du fonds de soutien qui fait vivre les radios associatives. Un énorme coup de massue supplémentaire.

*Émission du 16 juillet 2024 que vous pouvez réécouter sur la page web de la radio www.rdautan.fr dans la catégorie « expression libre ».