Numéro 2 régional

Jean-Michel Baylet : une affaire étouffée (de plus) ?

« Le crime a bien eu lieu : j’ai été violée alors que j’étais une enfant de 12 ans, et ce, durant près de deux ans. De nombreux documents, photos, témoignages de l’époque, lieux, détails anatomiques fournis à la brigade des mineurs corroborent mes propos. Ce n’est pas de la calomnie. C’est simplement mon histoire, celle que je porte encore douloureusement quarante après les faits.

Nathalie Collin, » (Le petit journal du Tarn-et-Garonne, 29/03/21).

Malheureusement, cette accusation de viols envers le patron du groupe La Dépêche, J-M Baylet, n’a pas eu l’écho qu’elle aurait dû avoir. La main-mise de l’ancien ministre sur les médias régionaux et ses réseaux politiques ont permis un verrouillage presque parfait. France 3 et ce qu’il reste de médias hors du groupe Baylet sont restés en service minimum. L’affaire sortie début mars est enterrée à la fin du mois. La Dépêche évoque d’emblée des « faits supposés, vieux d’un demi-siècle » constituant des « allégations mensongères ». Et trois semaines après son audition judiciaire, Jean-Michel Baylet accorde enfin une interview… à ses journalistes. Sans surprise, l’article titre : « Je ne céderai pas face à la calomnie ». Et pour s’innocenter, Baylet va jusqu’à publier sur la même page une entrevue avec l’avocate parisienne Me Moscovici, qui dénonce « les fausses accusations d’agressions sexuelles ou de viol [qui] se multiplient » et s’apitoie sur « les difficultés qui se dressent devant celui qui est calomnié lorsqu’il tente de se défendre ». Elle n’oublie pas de contester la décision du ministre de la justice d’auditionner des victimes d’agression ou de viol, même quand les faits sont prescrits, « uniquement pour satisfaire l’opinion ».

Il n’y eut donc que Médiapart pour enquêter sur ces accusation de viols portées par la fille d’un ancien proche de Baylet, le sénateur Yvon Collin. Où l’on apprend que Nathalie Collin raconte aux policiers les week-ends passés avec Jean-Michel Baylet, et « le contexte des années 1980 où tout le monde « est nu » dans un environnement « très festif » » : « À ces occasions, j’étais seule avec lui. Il avait trente-cinq ans, il n’avait pas d’enfant. Moi je n’avais que douze ans, et j’étais une enfant ». Elle accuse le patron de presse de l’avoir « régulièrement violée » entre 1980 et 1984, en Grèce, dans la maison familiale et sur son yacht. Un témoignage appuyé par le médecin Claude Guy, ancien ami de Baylet, qui dit avoir été témoin de ces agressions. Selon les Collin, Baylet est l’ami incontournable de la famille, c’est le tonton qui « venait dîner le vendredi soir, et repartait parfois avec Nathalie pour le week-end ou les vacances ». A partir de 2016, Nathalie Collin se décide à parler. Dans une interview à l’AFP, elle espérait que son témoignage inciterait d’autres victimes « à trouver le courage et la force de franchir le pas » et que Baylet soit « enfin regardé comme celui qu’il est véritablement ». Visiblement, le patron de La Dépêche s’en est bien tiré. Comme lors de la plainte pour agression envers son ancienne collaboratrice en 2002. Cette fois-là, il n’avait pas hésité à passer un accord secret avec sa victime, révélé en 2016. Quant au parquet de Montauban, il n’avait pas trouvé nécessaire de poursuivre, contre toute attente, et à la grande surprise des gendarmes ayant réalisé l’audition de la victime en 2002.

NDLR : JM Baylet est supposé innocent de toutes les affaires judiciaires qui le concernent, sauf celle où il a été condamné à une amende et une peine de prison avec sursis pour abus de biens sociaux.

Emile Progeault