Beaucaire au front
Dans cette mairie RN, Julien Sanchez a fait encore plus identitaire, plus raciste et plus maltraitant qu’ailleurs. Et le patron de cette ville du Gard est peut-être plus dangereux que ses collègues bas du front à Perpignan, Moissac ou Béziers, par sa défense d’une ligne radicale au sein du parti lepéniste.
Héritier des idées du pétainisme, proche de la mouvance identitaire lyonnaise, admirateur de Jean-Marie Le Pen : une simple revue de presse à propos de Julien Sanchez ne laisse aucun doute, ce n’est pas un apôtre de la dédiabolisation. Il a été élevé à l’école du racisme ouvert et de l’antisémitisme de l’ancien président du FN – il est toujours, pour lui, « un modèle » et « un être solaire »(1). En 2010, il devient conseiller régional, puis maire de Beaucaire en 2014, vice-président du RN en 2022 et député européen en 2024. Désormais numéro six du parti, il rêve ouvertement d’un strapontin ministériel.
Une souche de xénophobie
Il faut avoir en tête le goût de l’édile pour les batailles judiciaires – depuis qu’il a pris la mairie, les frais d’avocat payés par les contribuables se montent à 253 000 euros(2). Mais il y a plus inquiétant lorsqu’on s’attaque à Sanchez : il est parvenu à faire condamner une enseignante en 2017 pour l’avoir qualifié, lui et son adjoint, de « membres d’un parti raciste et xénophobe ».(3) Concernant la gestion de la ville de Beaucaire par le RN-FN (parti fondé par des néofascistes et un ancien nazi) il nous sera pourtant très compliqué de parler de la politique de Sanchez sans employer ces qualificatifs… d’autant qu’il a lui-même été condamné définitivement en 2023 pour des propos appelant à la haine des musulman·es, publiés sur son Facebook en 2013.
Dans cette ville de 16 000 habitant·es où la pauvreté (28 %) et le chômage (24 %) atteignent des sommets, le RN a agité le repoussoir de l’étranger pour s’imposer.Jean, qui appartient au collectif d’opposition Réagir pour Beaucaire (RPB), soutient que « le racisme pour le RN c’est le principe moteur et c’est ce qui motive d’abord le vote. Le mot FN a suffi à faire sa campagne en 2014. » Sanchez a su jouer sur ce terrain et amplifier le sentiment xénophobe parmi la population. Lors de sa campagne intitulée « Beaucaire, ville française », il lance l’alerte : sans lui, « dans six ans, la ville sera à majorité immigrée »(4). Selon le conseiller d’opposition Charles Menard (LFI), il va ensuite mettre en place « une politique raciste, xénophobe et discriminatoire envers des citoyens et tout ce qui a l’apparence de l’étranger ». Durant son mandat, il multipliera les décisions qui auront un impact réel, mais qui seront aussi et surtout intégrées à une stratégie visant, pour lui-même comme pour les idées d’extrême droite, à exister politiquement sur la scène nationale.
Beaucaire sera « une ville où on mange du porc dans les cantines scolaires, une ville où une rue du 19 mars 62 n’a plus sa place »(5). En scandant « On est chez nous… », la foule a bien compris le sous-texte de ce discours de victoire de Sanchez en 2014. Dans le documentaire(6) Beaucaire, ville française , un de ses électeurs évoque « ces gens qui nous envahissent, [et qui] sont mieux traités que nous. Les Maghrébins arrivent, ils imposent leur loi ». Sanchez va donc leur vendre un Beaucaire provençal et camarguais, débarrassé des arabo-musulman·es. Pour feindre de défendre ceux qu’il appelle les « Français de souche » et le territoire des « nationaux » de la commune, le maire va imposer le porc obligatoire à la cantine le lundi et la fin des menus de substitution. Le tribunal administratif et le Conseil d’État lui ordonnent d’abroger sa délibération, mais depuis 2018 il refuse d’obtempérer, et il s’emballe en 2021 sur Twitter contre le « grand remplacement du porc à la cantine » et contre l’idée que « la France puisse un jour devenir une république islamique ». Mission réussie : il fait la tournée des plateaux de télévision.
Communautarisme blanc
Les commerçants d’origine maghrébine sont dans le viseur de l’élu d’extrême droite. Il avait promis avant son élection d’empêcher l’ouverture de nouveaux commerces « communautaires » et de « dé-kébabiser » sa commune. Il va interdire en 2015 l’ouverture des épiceries et commerces de deux rues du centre-ville pendant l’été, de 23h à 8h : le maire s’attaque alors à des rues de commerçants maghrébins, en plein Ramadan.(7) Il met aussi fin à ce qu’il nomme le « grand souk » du marché de la commune. Francis, du collectif RPB, s’en souvient : « Il ne voulait pas de commerçant maghrébin, donc la nuit qui précédait la foire, toute entrée de la ville était contrôlée, pour empêcher que n’importe qui ne vienne… il fallait s’inscrire. » Grâce à de nombreuses suppressions de stands et un règlement beaucoup plus strict, le journal municipal pourra par la suite se vanter d’un marché composé de « commerçants traditionnels et provençaux ».
Sanchez va également s’emporter contre la présence d’élèves étrangers dans les écoles de Beaucaire, dénonçant dans un communiqué en 2014 « le coût pour les contribuables et la répercussion sur le niveau des enseignements » de l’accueil d’une vingtaine d’enfants ne parlant pas le français. Il ne veut pas non plus de leurs familles, évoquant le coût des « retraites pour les étrangers n’ayant jamais cotisé en France » (sic) et « l’Aide médicale d’État » qui « ruinent notre pays ». En 2015, il bloque toutes les subventions à la « Maison du vivre ensemble », provoquant sa fermeture. Ce centre socio-éducatif assurait notamment un soutien scolaire aux enfants : « Si ces personnes ont besoin de soutien parce qu’elles ne parlent pas le français, ce n’est pas mon problème, ce n’est pas à nous de payer! »(8).
Il poursuit sa croisade avec la signature par le conseil municipal en 2016 de la charte « ma commune sans migrants », puis en lançant une pétition en 2017 contre le dispositif ELCO(9) conçu pour aider les élèves allophones avec des enseignant·es de leur pays d’origine. Relevant que « l’arabe est la langue la plus concernée par ce dispositif », il s’interroge : « Qui sont ces pseudos enseignants qui pénètrent dans nos écoles en période d’état d’urgence ? », glissant au passage que « le Maroc a été ces derniers mois grand pourvoyeur de terroristes islamistes ». Fake news, xénophobie… buzz assuré !
Ces dernières années, le maire ne pouvait que constater l’arrivée importante d’une population sud-américaine employée dans le secteur agricole du beaucairois. Les gros exploitants préfèrent une main d’œuvre étrangère bon marché et corvéable, mettant ainsi hors jeu les autochtones, qui refusent par ailleurs des conditions de travail très pénibles et des salaires de misère. Un comble pour la politique anti-immigration de Sanchez ! Désormais, Didier raconte qu’à l’aube, « place Gambetta, ils attendent, tu vois ces camions et camionnettes qui les prennent vers différents lieux de travail, pour des contrats précaires, jusqu’à 70 heures par semaine. Ces exploitants, c’est l’électorat de Sanchez, et certains ont été condamnés pour maltraitance »(10). Mais bien entendu, Sanchez ne donnera pas un euro pour faciliter leur intégration, encore moins à l’association Latinos sin fronteras, qui organise des cours de Français.
L’esprit de Jean-Marie Le Pen
À rebours du discours pseudo social de Marine Le Pen, les mairies RN s’attaquent régulièrement à « l’assistanat », quitte à s’attaquer aux plus pauvres de leurs communes. Sanchez a imposé cette ligne de droite autoritaire, en engageant des poursuites contre les parents « malhonnêtes » qui présentent des impayés de frais de cantine. Ces « profiteurs » sont signalés à la CAF, au procureur et… à la protection de l’enfance par dessus le marché !
Il maintient également le monde associatif sous sa coupe. Laure Cordelet, du collectif Action citoyenne antiraciste et antifasciste de Beaucaire (Acaab), affirme que les structures « font profil bas, de peur de voir leur subvention diminuée. Les élus s’invitent à tous les conseils d’administration, ils débarquent à 5,6 ou 8, même s’ils n’ont pas été invités, ils trustent toutes les assos. Il y a cette peur ancrée, on nous dit « et si ça retombe sur mes enfants à l’école ? », etc , donc ça ne bouge pas ». Selon Francis, « une partie des assos a renoncé à demander des salles communes ou des subventions. Il y avait un bâtiment de la mairie, avec des salles de réunion. Sanchez l’a revendu à un particulier qui en a fait sept appartements. C’était il y a quatre ans. Maintenant il n’y a plus de salles où se réunir ».
Gestion patronale et malsaine
À la mairie, la gestion est catastrophique avec un mélange d’autoritarisme, de brutalité et d’incompétence. Dès son arrivée, Sanchez s’est empressé d’augmenter la durée de travail hebdo à 36 heures et demie, il a retiré la prime de fin d’année aux agents jugés trop absentéistes et il a supprimé plusieurs dizaines de postes. Dans un rapport de fin 2020, la Chambre régionale des comptes pointe des défaillances en série, des recrutements irréguliers, des rémunérations anormales, un budget en communication disproportionné, des changements brutaux d’affectation de personnels, de nombreuses factures impayées… « Je les emmerde », répond Sanchez aux magistrats de la chambre. Il qualifie même leur rapport de « tract socialo-communiste de la pire époque »(11) ! Sous pression, la ville commande néanmoins un audit social au cabinet privé Qualiconsult. La première version accable la mairie, avec des « comportements brutaux ou destructeurs », un « sous-effectif », une « surcharge de temps de travail », mais aussi des violences verbales et morales, des accusations de racisme, un mal-être entraînant des départs en cascade, etc. Sanchez ne l’entend pas de cette oreille, et demande au cabinet privé de revoir sa copie : exit le racisme, le favoritisme, place aux justifications de la mairie et aux nuances… Peine perdue, cette gestion patronale et malsaine va alimenter la colère des agents et un mouvement de grève important éclate en 2022 (cf. ci-dessous).
Le parti des curés et des santons
La mairie RN a aussi mis le paquet sur le décorum nationaliste et les traditions religieuses. À chaque conseil municipal, les élu·es RN chantent la Marseillaise, droits comme des piquets et têtes hautes. La ville est garnie de drapeaux français et la mairie soutient la confrérie Sainte Marie-Madeleine, une organisation religieuse locale interdite aux femmes qui organise désormais une grande procession lors de la fête de la Madeleine, avec à sa tête l’évêque… suivi par le maire de la commune. D’après Charles Menard, « ça fait parti de leurs néo-traditions, pourtant, les prières de rue sont interdites sauf quand une tradition existait avant la loi de 1905, on n’a donc pas le droit de créer une nouvelle manifestation religieuse de rue ». Il ajoute au passage : « Et en tant que maire, il n’a pas le droit de se balader avec son écharpe tricolore dans une manifestation religieuse ».
Sanchez tient aussi à son coup d’éclat médiatique annuel, avec l’installation d’une crèche au sein de la mairie. « Sa crèche c’est la défense des valeurs de la France chrétienne éternelle, affirme le conseiller d’opposition, c’est un manifeste politique, il pourrait très bien la mettre à l’extérieur ». Mais à Beaucaire, malgré les décisions de justice, chaque année le maire n’en démord pas : il préfère payer des jours-amendes(12)… et faire parler de lui. Le préfet ? Il ne bouge pas le petit doigt. Selon Charles Menard, la mairie de Beaucaire a bénéficié de la « complicité tacite des pouvoirs successifs, et notamment de la macronie depuis sept ans. Le préfet ne répond pas à mes demandes, et une seule fois il a accusé réception ». D’après Didier, du collectif RPB, « c’est une mairie hors-la-loi : ici on s’en cogne, on fait ce qu’on veut ! Pour la crèche, pour les repas de substitution, il s’est assis dessus [sur les décisions de justice], parce qu’on est dans un département relativement laxiste : à la préfecture du Gard, on ne met pas n’importe qui comme préfet. »
La surenchère du dauphin
Hélas, « touché par la loi sur le non-cumul des mandats », selon ses propres mots, le député européen Julien Sanchez a été contraint de laisser sa place au jeune Nelson Chaudon, couvé au RN du Gard depuis des années. Ce dernier passe ainsi de simple adjoint aux sports au fauteuil de maire. Selon Laure Cordelet, « c’est un pur produit de Sanchez et Gillet, il a tout l’appareil du RN derrière lui : il ne bouge pas un cil sans l’accord du parti. » L’ancien maire n’est pas parti bien loin : il a installé sa permanence de député européen en face de la mairie. De son côté, Chaudon n’a pas chômé : acquisition d’un nouveau véhicule de police, création de deux postes de policiers municipaux, deux agents de surveillance et un employé supplémentaire au centre de vidéo-surveillance. Il poursuit le travail de son prédécesseur qui avait doublé les effectifs de sa police en deux mandats. D’horribles panneaux ont été installés aux entrées de la ville, portant l’inscription « Ici on défend notre identité, notre drapeau, nos traditions, notre agriculture ». Et le nouveau maire montre les muscles dans une interview le 13 décembre à Frontières, un média identitaire et raciste : « Quand je vais à Beaucaire, (…) je veux voir des taureaux dans les rues ou dans les arènes, je veux pouvoir croiser des arlésiennes, et je veux pouvoir voir (…) la crèche de noël. Ces panneaux sont simplement un avertissement, vous entrez dans Beaucaire, voici les règles, à Beaucaire il n’y a pas de place pour le wokisme ».
D’après Françoise, du collectif RPB, « On est vraiment dans une ville gérée d’une façon arbitraire et malsaine. Le maire laisse la ville dans un état lamentable, c’est de pire en pire, c’est vraiment dur ». Certes, Sanchez a profité d’une désunion de la droite et de l’effet covid pour gagner en 2014 et 2020, et il ne rassemble que 3 000 à 4 000 votes sur 11 000 inscrits. Pourtant, en face, la mobilisation anti-fasciste est au point mort. Les derniers rassemblements, face au meeting de Le Pen à Beaucaire en 2023 ou lors de la venue de Bardella en décembre dernier, n’ont rassemblé que quelques dizaines de militant·es. Mais il y a eu cette grève des agents en 2022 ou cette mobilisation de 200 personnes devant le tribunal à l’initiative de la CGT en 2015, pour soutenir les enseignant·es traités de « racailles » par le maire. Ils entonnaient alors en chœur Le chant des partisans. C’est cette énergie-là qu’il faut retrouver, pour faire face et l’emporter face à ces militant·es RN et leurs élu·es qui sèment la haine et prônent le chacun pour soi.
1 : Le 11 janvier 2025 sur X.
2 : « Maltraitance, copinages, impayés : à Beaucaire, la gestion ubuesque du maire RN Julien Sanchez », Libération, 12 septembre 2023.
3 : En appel à Nîmes en 2017, le tribunal a alourdi sa peine à 1500 euros d’amende et 3000 euros à verser au maire et son adjoint.
4 : Sur le plateau de Vià Occitanie, en mars 2024.
5 : Pour complaire aux nostalgiques de l’Algérie française et de l’OAS, il supprimera cette rue évoquant la fin de la guerre d’Algérie et son indépendance, pour la remplacer par la rue du 5 juillet 1962, évoquant les massacres d’européens suite à l’indépendance.
6 : Réalisé par Hacène Belmessous et Sonia Kichah, 2021.
7 : L’arrêté est annulé par le tribunal administratif en 2017.
8 : Déclaration au Figaro le 2 février 2015.
9 : Enseignement de langue et de culture d’origine.
10 : Il fait référence au procès de la boite de recrutement espagnole Terra Fecondis et d’exploitants agricoles mis en cause dans une vaste fraude au travail détaché concernant l’embauche de 26 000 travailleur·euses sud-américains entre 2012 et 2015. Le procès avait permis de dévoiler leurs conditions de travail quasi-esclavagistes.
11 : Libération, 12 septembre 2023.
12 : La mairie de Beaucaire était condamnée en décembre à 1000 euros de jour amende, montant revalorisé à 5000 euros depuis le 13 janvier.
Trois mois de lutte
Fin 2021, Sanchez fait voter une délibération pour mettre les agents de la mairie au travail la nuit ou le week-end (en les avertissant quinze jours avant). De mars à mai 2022, ils et elles se mettent en grève pour exiger son annulation et dénoncer le climat anxiogène. « Stop à la maltraitance », « Fini les insultes et les pleurs » : les slogans sont éloquents. À Beaucaire, personne n’ose se porter volontaire pour être délégué du personnel : il n’y aura aucun représentant de 2018 à 2022 et les instances paritaires ne sont pas réunies : aucun Comité social territorial (CST) ne se tient, malgré l’obligation de deux par an. Dans les services techniques, les agents subissent le « management » de Peter Sterligov (cf. ci-dessous) qui manie l’insulte (« mongolien », « handicapé »), les menaces physiques, et utilise des traceurs GPS pour les suivre(1). Face à cette situation délétère, les grévistes font face au mépris du maire, qui parle « d’une tentative classique d’intimidation de la CGT », qui aime « semer la haine »(2). Un agent de la mairie que nous avons contacté et qui souhaite rester anonyme affirme qu’absolument rien n’a bougé depuis la grève. Si un syndicat CGT s’est remonté et s’il y a désormais des délégué·es du personnel (CGT et FO), ceux-ci n’ont toujours pas accès aux registres et documents obligatoires (comme le rapport social unique), et depuis décembre 2022, les CST ont bien lieu mais aucun F3SCT(3), malgré l’obligation légale de deux par an minimum. Il n’y a pas de DRH en poste, et depuis 2014 on compte environ 150 salarié·es qui ont quitté la mairie, que ce soit des départs en retraite ou des agents qui claquent la porte. Aucun départ n’est remplacé et la mairie a énormément recours aux contractuels. Les services techniques sont passés d’une cinquantaine à moitié moins, avec la même charge de travail. Et ce n’est pas fini : « Il y a encore eu des départs en décembre, des agents qui habitent Beaucaire, à côté, et qui ont préféré partir. Les gens ont peur, leur modèle c’est de mettre la pression aux gens ».
1 : Libération, 12 septembre 2023. (cf. note 2 ci-contre)
2 : www.objectifgard.com, 16 mars 2022.
3 : Formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Recrutement nauséabond
Sanchez a recruté à tout va dans le milieu de l’extrême droite radicale ou au sein du RN. « La mairie de Beaucaire, ça a été le Pôle emploi du RN », affirme Didier, du collectif Réagir Pour Beaucaire (RPB). « Ils étaient embauchés quelques mois puis ils ouvraient des droits au chômage. C’était un défilé d’incompétents et pas forcément de Beaucaire ». La liste comprend Étienne de Francqueville (en 2015) parti ensuite faire une carrière frontiste en Picardie, Christopher Pecoul (en 2016), désormais chef de cabinet de la mairie RN de Fréjus, Bruno Clavet la même année, élu depuis député RN dans le Pas-de-Calais et connu pour avoir encouragé en 2021 l’agression de journalistes de Canal + par des militants frontistes, ou encore Dany Dos Santos Paiva (de 2019 à 2021) actuellement assistant de la députée lepéniste à Bruxelles, Marie Dauchy. Adrien Pêpe est lui resté en poste de 2015 à 2022, pour enfin rejoindre le député Falcon, adepte de l’insulte misogyne.
Donner des postes municipaux aux militant·es du parti plutôt qu’à des personnes compétentes et originaires du territoire, c’est du déjà vu. Mais Sanchez va aussi rendre service à ses amis identitaires. Il offre le poste de directeur de communication à Damien Rieu en 2015-2016, un ancien leader de Génération identitaire (GI), animateur du site anti-immigrés Fdesouche et partisan de la « remigration » de tous les immigrés des quarante dernières années. Selon la militante du collectif Action citoyenne antiraciste et antifasciste de Beaucaire (Acaaab), Laure Cordelet, « c’est un identitaire pur et dur, un islamophobe acharné ». Holly Harvey Turchet l’avait précédé au cabinet de Sanchez en 2014. C’est alors une cadre du RN gardois et immigrée britannique, dont le Facebook est truffé des pires ignominies racistes et d’appels au meurtre. Jean-Raphaël Sandri, collaborateur de Sanchez en 2015, est aussi un frontiste « transparent ». Il s’inquiète sur Twitter du retrait de la transsexualité de la « liste des maladies mentales », et anime un compte Facebook qui ne cache pas ses sympathies pour Hitler, Franco et le Bloc identitaire.
À la même époque, Jérémie Boulet, aujourd’hui cadre du RN du Gard, était embauché à la com alors qu’il s’amusait sur Twitter à citer Maurras, à louer la « grandeur » de l’Action française ou à appeler « les Français de souche » à faire cesser « le bordel ». Clément Martin sera lui aussi casé à la communication quelques mois en 2017-2018. C’est un ancien cadre de GI, condamné à quatre mois avec sursis en 2023 pour des tweets haineux contre le recteur de la mosquée de Lyon. Citons aussi Antoine Baudino, issu des Jeunesses identitaires, venu à la soupe beaucairoise en 2017-2018.
Le légionnaire franco-russe Peter Sterligov est encore aujourd’hui un pilier de l’équipe de Sanchez. Ancien cadre des GI, le militant néo-fasciste est condamné en 2022 à trois mois de prison avec sursis pour l’intrusion à la CAF de Bobigny en 2019, avec une banderole indiquant « De l’argent pour les Français, pas pour les étrangers ». Il prend aussi huit mois de sursis pour l’attaque et le saccage du local de SOS Méditerranée à Marseille en 2018. Françoise, militante de RPB et ancienne déléguée départementale de l’Éducation nationale, affirme que « ce type c’est un méchant, injuste et infect. Et incompétent. Aux conseils d’école, tout ce qu’il voyait c’est l’argent qu’on dépensait à tort dans les établissements scolaires ».
Aujourd’hui la mairie de Beaucaire est donc toujours gangrenée par des salarié·es aux idées haineuses. À l’instar du militant RN Jean-Marie Launay, ancien candidat aux législatives de 2022 qui alarmait la presse locale sur le « nombre important de djihadistes dans le Gard », ou de Cédric Rodriguez, un militant RN de Fréjus et ancien assistant parlementaire de la députée Julie Lechanteux, connue pour ses liens avec les milieux néo-fascistes et néo-nazis. Quant au chef de la police municipale Laurent Colombeau, c’est un ancien militaire et professionnel de MMA qui relaie sur Facebook des vidéos de combats ultra-violents, d’une brutalité malsaine et morbide. Il écrit aussi des livres où il s’imagine appartenant à une équipe de tueurs de la DGSE en pleine traque de djihadistes… À l’heure où nous bouclons, Julien Sanchez est à Washington, invité à l’investiture de cette ordure raciste et misogyne de Donald Trump. Espérons qu’il n’en profite pas pour recruter sur place.
Texte : Emile Progeault / Illustrations : Bellette