L’Empaillé 5 en kiosque !
De l’orage dans l’air
Ça ne nous avait vraiment pas manqué, ce moment où nos cher·es politicard·es enfilent leurs beaux habits de candidat·es et jouent des coudes pour être dans la lumière. Festival de langue de bois, de faux-semblants, et de prises de positions abjectes, servies par deux candidatures d’extrême droite, une autre de droite extrême, un Macron sarkoziste et une gauche qui suffoque. Si ce numéro n’aborde pas les élections prochaines, il était néanmoins difficile de continuer à faire l’autruche à l’heure de la rédaction de cet édito. D’autant qu’on s’empaille sec dans les bureaux de fortune du journal. On ne va pas vous mentir, la possibilité (stratégique) de voter (ou pas) pour la gauche réformiste est sur la table, elle est même le cœur de nos querelles.
Une fois Mélenchon en bonne place dans les sondages-qui-prédisent-l’avenir, on est allé jeter un œil sur son programme : forte hausse du RSA et du Smic, amnistie des gilets jaunes ou des syndicalistes réprimés depuis cinq ans, désarmement de la police dans les manifs et suppression de la BAC, blocage des prix et des loyers, coup de butoir sur l’héritage des riches… Mal à l’aise, on se murmurait à nous-même : « ben c’est pas si mal ».
Nous voilà donc, nauséeux·ses face à la droitisation accélérée du débat politico-médiatique, à débattre autour du grand chef Mélenchon, du pisse-droit Jadot, du franchouillard Roussel ou du symbolique Poutou. L’une rappelle l’égo surdimensionné de ces tribuns masculins, l’autre souligne la verticalité de leurs organisations et leur passage dans tout un tas d’émissions bas du front. Coincés dans cette république bourgeoise, l’éventualité de ce vote à gauche nous plonge tour à tour dans l’hésitation, la certitude, la honte, les tiraillements.
Et là le ton monte. L’un s’emballe sur l’hypothèse « trou de souris » pour accéder au deuxième tour. Une autre se résigne à aller voter la mort dans l’âme pour quelqu’un qu’elle déteste. Et la dernière a oublié opportunément de s’inscrire sur les listes.
Un pack de Jenlain plus tard, on ressoude notre comité de rédaction autour de la détestation de cet l’électorat de centre-gauche qui s’en va, apeuré, voter pour un programme bourgeois et sécuritaire. On partage notre haine des derniers socialos et de leur parti en état de mort cérébrale, qui rejoignent la légion de la start-up nation. « Bertrand Delanoé votera Macron », « Elisabeth Guiguou s’associe à Macron », « Marisol Tourraine…. On n’est pas fans de la torture, mais franchement, on devrait obliger certains à se taire, définitivement.
Et enfin, nous voilà en pleine communion, en évoquant nos envies de meurtre à propos de Macron et sa bande, ces VRP de la bourgeoisie, ceux-là même qui ont arraché des mains et crevé des yeux à tant de gilets jaunes et qui ont privilégié la santé des plus fortunés à celle du peuple.
Face à ce cirque électoral, où la parole est confisquée par un petit cercle de partis politiques organisés en fonction de cette échéance, on continuera quoiqu’il en coûte de donner un écho dans ce canard à toutes les luttes de la région, à toutes les initiatives rebelles et festives et à participer à la bataille des idées pour liquider ce vieux monde, sa bourgeoisie, sa police et tous les tocards qui se prennent pour nos dirigeants.