Numéro 5

Le clan Baylet récompensé

En avalant les Journaux du Midi puis en licenciant en masse, la famille empoche le jackpot. Grâce à ses réseaux et à son soutien au pouvoir, elle décroche l’euro-million du ministère de la culture.

Nous n’allons pas refaire le portrait de la dynastie Baylet et du groupe La Dépêche. Du passé collaborationniste du quotidien aux affaires d’abus de biens sociaux du clan familial, on s’y est collé dans notre premier numéro (1). Depuis, toute la presse locale a été rachetée et profitant de l’occasion, 355 salariés ont été virés. La Dépêche, Midi Libre et Centre presse sont voués prochainement à ne faire plus qu’un, ou à se répartir les territoires de prédilection. La famille, qui possède le groupe via sa holding « L’occitane de communication », s’est rempli les poches comme jamais : 800 000 euros de dividendes en 2016 et 700 000 en 2017. La famille gère désormais plus de 1650 salariés et enregistre 243 millions de chiffre d’affaires. La direction est partagée entre Jean-Michel, Martine, Eric, Jean-Benoit et Jean-Nicolas (33 ans et nouveau patron de La Dépêche). Quant à l’ex-ministre Jean-Michel, il dirige depuis peu le syndicat des patrons de presse. Il semble que ses condamnations en justice comme les révélations récentes sur son comportement violent envers une ex-collaboratrice n’aient pas entaché sa carrière (2). Mieux, il n’a jamais été aussi puissant, et son soutien à la macronie, qui transpire des organes de presse à sa botte, lui garantira peut être un poste parisien un de ces quatre.

En attendant, ça lui permet d’obtenir une méga-subvention de 3,4 millions d’euros pour acheter une nouvelle imprimerie à Midi Libre qui lui en coûte six millions. Une somme obtenue auprès du « Fonds stratégique pour le développement de la presse », qui normalement ne devrait pas dépasser 1,5 millions et 20% de l’investissement. Mais il lui a suffi de présenter sa demande au nom de différents journaux en sa possession et le tour était joué… D’après La Lettre A, Baylet rafle ainsi à lui seul 38% du budget de ce fonds géré par le ministère de la culture, qui était « opposé à cette subvention, ou tout au moins très réticent ». Selon le site Internet, « la pression serait venue de Bercy (et probablement de plus haut) », grâce au poids politique de Baylet, dans la région et jusqu’à l’Élysée (2). Le comble de ces petites magouilles, c’est que la « mission d’information », au nom de laquelle ces financements sont alloués est de plus en plus reléguée sur le banc de touche dans cet empire de presse. Selon Médiacités, « le journal, comme le site web, ont pour fonction de faire connaître la marque « La Dépêche » et, ainsi, de mieux vendre les autres produits du groupe. Du coup, le journalisme perd sa place centrale » (3). Il y a désormais davantage de salariés dans le reste des activités, de la pub (4) à l’événementiel, de l’immobilier aux compétitions sportives en passant par la livraison de repas à domicile. Qui sait, Centre Presse et ses hologrammes finiront peut-être en simples affiches grand format dans des sucettes publicitaires ?

1 : Nous l’évoquions dans les précédents numéros : En 2002, Jean-Michel aurait frappé puis déshabillé sa subalterne, avant de la jeter à la rue. Elle a porté plainte mais Baylet s’est payé un accord secret avec celle-ci, et le procureur a bizarrement classé l’enquête.                                                        2 : « Midi Libre : les dessous d’une subvention hors norme pour le quotidien de Jean-Michel Baylet », 01/10/18.                                                                 3 : « La famille Baylet poursuit sa montée en puissance au capital de La Dépêche », 21/11/17                                                                                                   4 : C’est « l’Agence », qui gère la comm’ et la pub du groupe, avec une armée de 280 salariés, plus que les 250 journalistes de l’ensemble des journaux du groupe de Baylet.