En découdre / Sortie de l’Empaillé n°8

De l’autre côté de la rive, ils nous font la leçon, depuis leurs clubs privés ou leurs villas chics, du haut de leurs institutions et de leurs titres, bien installés sur leurs rentes ou leurs salaires douillets. Ils nous font la leçon comme si on était bêtes. Un journaliste de plateau arrosé 8000 euros par mois professe qu’il va bien falloir travailler plus longtemps. Tous ces travailleurs sans emplois, ou ceux cassés par le boulot, quand ils ne sont pas morts avant l’heure, semblent appartenir à une dimension parallèle. Un porte-voix gouvernemental en costume trois pièces nous vend la « modulation » de l’indemnisation chômage, justifiée par un retour au plein emploi quand le chômage de masse crève les yeux. Un économiste de salon éructe d’un ton plein de mépris de classe sur les tricheurs d’en bas, quand toutes les études montrent que la fraude patronale à la Sécu et aux impôts n’offre aucune comparaison. Une ministre multimillionnaire explique sans rire aux mal logés qu’ils peuvent bien réduire leur chauffage d’un ou deux degrés… et déjeuner dans le noir de bon matin.

On sait bien que tant qu’on sera gouvernés par la bourgeoisie et ses laquais, ils continueront à s’engraisser sur notre dos. Mais faut pas nous demander d’avaler leur inepties et d’acquiescer, en rang par deux. Par dessus le marché, croient-ils sincèrement qu’on va rester les bras ballants, à les regarder s’empiffrer pendant qu’on s’enfonce dans la précarité, qu’on galère à vivre, à se soigner, qu’on assiste à la chasse aux sans-papiers, au racisme des flics ou à la misogynie des députés, qu’on observe honteux nos usines fabriquer des armes pour les pires dictatures du monde ?

Ils se trompent lourdement.

Ça va chauffer, c’est sûr, et le plus vite sera le mieux. Tiens, leur loi anti-retraites, on va la combattre de façon acharnée, et ils pourront vite essuyer leurs petits culs blancs avec. Et même si on perd, on dira qu’on a gagné. Ça c’est de la stratégie ! D’ailleurs notre camp, la gauche, la sociale, elle a toujours gagné. Ouais, si on le dit, c’est que c’est vrai. Baylet peut bien discourir sur son journal à l’histoire républicaine et résistante, où le collabo Bousquet n’a jamais eu aucun rôle : s’il affirme ce genre de foutaises, on peut bien clamer qu’au cours des deux siècles derniers, on a toujours mis la pâtée à la bourgeoisie ! Que l’abolition du capitalisme et du patriarcat, si ce n’est pas tangible là où vous êtes, ce n’est qu’une histoire de jours pour que cela vous parvienne, car c’est fait, on a gagné ! N’avez-vous pas remarqué tous les gros points rouges tagués aux bords des routes : c’est le signal ! La bourgeoisie a pris la fuite en Suisse ! L’autogestion généralisée à toute l’économie ! La production d’armes arrêtée ! Darmanin jugé pour viol ! Baylet exproprié ! L’occitan déclarée langue officielle de la région ! La police nationale dissoute ! Allongez donc cette liste et faites comme la bourgeoisie : prenez vos désirs pour des réalités !