Numéro 13 régional

L’Ultra droite, toute en nuances

De loin, cette mouvance ressemble souvent à un ramassis de groupuscules racistes, virilistes et brutaux. De plus près, une petite typologie s’impose pour s’y retrouver. En tête, les « identitaires », qui ont eu le vent en poupe jusqu’à la dissolution du Bloc identitaire et de sa branche jeunesse disséminée un peu partout, Génération identitaire (GI). Fierté d’être blanc, défense de la civilisation chrétienne occidentale, islamophobie décomplexée, discours radical anti-immigration… En résumé, c’est bête et méchant : « On est chez nous ». Au programme, des actions médiatiques et une violence mise en sourdine – au moins officiellement, avec des militants au profil catholique et bourgeois éloignés, en apparence, du folklore néo-fasciste.

Viennent ensuite les « nationalistes-révolutionnaires » (NR), ancienne famille politique qui connaît un renouveau. Plus radicale et violente, ouvertement néo-fasciste et antisémite. Axée sur la défense de la civilisation européenne, adepte du vieux slogan « Europe, jeunesse, révolution ». Ils imaginent une troisième voie entre libéralisme et communisme, peuvent se dire anti-capitalistes et fantasment un régime autoritaire socialisant en mode nazisme relooké. On y range par exemple le GUD, Égalité et Réconciliation (fondé par Alain Soral), les groupes qui ont pris le relais localement de Bastion social, dissous en 2019.

Les indécrottables monarchistes de l’Action Française sont toujours là. C’est la plus ancienne organisation qui a formé nombre de militants partis ailleurs ensuite, dont l’un des leaders nationaux des néo-fascistes, Marc de Cacqueray-Valmenier (GUD), mais aussi Thaïs d’Escufon (GI, Toulouse), ou des journalistes extrémistes comme Geoffroy Lejeune (ancien de Valeurs Actuelles et directeur du JDD). On n’oublie pas les catholiques intégristes de Civitas, dissous en octobre, ou de La Porte latine (section française de la Fraternité St Pie X), implantés un peu partout dans le pays.

On doit ajouter à cette liste les militants de « Génération Zemmour » (GZ), ce dernier reprenant les thèses d’ultra-droite de façon à peine édulcorée. Qualifié de néo-fasciste par le sociologue de l’extrême droite, Ugo Palheta, il a popularisé la théorie du grand remplacement, « l’anti-wokisme », et une réécriture de l’histoire française. Selon l’Organisation antifasciste bordelaise, « GZ n’est rien d’autre qu’une auberge espagnole permettant d’agglomérer tout ce que le camp réactionnaire compte de plus rance dans ses rangs ». L’Action antifasciste Tolosa souligne que « c’est en partie grâce à cette dynamique Zemmour que s’est recomposé le GUD Paris et c’est cette tendance à l’encanaillement qui semble se diffuser dans des groupes qui étaient jusque-là en apparence plus policés, comme les identitaires », avec « un discours plus ouvertement guerrier ».

On oublie pas les bandes de néo-nazis hooligans et bikers, qui peuvent venir en renfort ponctuellement sur des actions violentes de tous ces groupes. Malgré l’existence de ces différentes familles, on est tentés malgré tout de ranger tout ce beau monde sous l’étiquette « néo-fasciste », d’autant que ces séparations sont de moins en moins évidentes, au gré des dissolutions et des recompositions, et du fait qu’une partie de ces militants passent d’un groupe à l’autre, quand ils n’ont pas plusieurs appartenances. Dans Dix questions sur l’antifascisme (Ed. Libertalia, 2023), le collectif parisien de La Horde estime que « la plupart des mouvements d’extrême droite actuels n’ont pas de programme politique abouti, ne se rattachent à aucun courant précis et préfèrent dissimuler cette vacuité idéologique derrière des termes vagues comme identitaires, conservateur, souverainiste ou tout simplement de droite ».

Texte : Emile Progeault / Illustration : N.Tagliatelles