Numéro 7

PMA pour TOUTES

C’est quoi la « bioéthique » ? Toi aussi tu as besoin d’un petit point vocabulaire ? La bioéthique étudie les questions et les problèmes moraux qui peuvent apparaître à l’occasion de pratiques médicales nouvelles impliquant la manipulation d’êtres vivants. Elle définit les valeurs et les normes culturelles et morales sur des sujets comme le clonage, la PMA, le prélèvement d’organes, le brevetage du vivant, les expériences sur les animaux ou l’euthanasie, entres autres. En ce moment les parlementaires sont donc en train de décider ce qui est moral, juste et acceptable en ce qui concerne notre reproduction. Rien que ça.

Lorsque j’ai décidé d’écrire sur la PMA, je n’ai d’abord pas su par où commencer.
C’est un sujet vaste et complexe, qui touche au territoire de l’intime et qui suscite chez moi, comme chez beaucoup d’autres, des doutes et des interrogations. Qu’est-ce qui me semble normal et juste ? Qu’est-ce que je considère comme immoral ? Jusqu’où peut-on aller ?
Comment mon opinion a t-elle évoluée au fil du temps et de mes expériences de vie ? Comment inclure dans mes positionnements des personnes qui vivent une autre réalité ?

Pour vous parler de PMA, il faut d’abord que je vous explique à quel endroit je me situe. Je suis une femme de 37 ans, hétérosexuelle et célibataire. Et à mon âge, je ne sais toujours pas si j’ai envie d’avoir un enfant. Le cheminement mental qui m’amène à m’interroger sur la maternité est sinueux et changeant. Est-ce qu’on n’est pas déjà trop sur terre ? Puis-je envisager d’avoir un enfant dans ce monde qui part en vrille ? Si je ne trouve pas de partenaire, suis-je capable de faire un enfant toute seule ? En ai-je vraiment envie ?
Il est encore fréquent qu’on me renvoie dans la gueule mon « immaturité supposée » à faire ce choix. J’entends souvent des phrases pénibles comme « eh bah il va falloir t’y mettre, ma vieille » ou « t’as perdu le mode d’emploi ? »,ou pseudo-bienveillantes comme « tu sais le temps est compté et il ne faudrait pas que tu regrettes ».
Moi, j’aimerais échapper au déterminisme qui dit qu’une femme sans enfant n’est pas une femme. Et si l’envie me prenait sur le tard, je veux pouvoir choisir mon moment pour être mère.
Et j’emmerde ceux qui pensent que je suis vieille et égoïste.
 
 
Aux chiottes l’horloge biologique
 
Mes réflexions sur la PMA sont intrinsèquement liées à mon histoire. Comme de nombreuses femmes dans ma tranche d’âge, je me pose des questions sur la fertilité. Et là, pas de bol, c’est un peu la loterie. Déjà, on ne part pas toutes avec les mêmes chances et plus on avance en âge plus ça se corse. La probabilité de tomber enceinte par cycle est de 25% par cycle si la femme a 25 ans, on passe à 12% si elle a 35 ans et seulement 6% à 42 ans.(1) En plus, la fertilité en général (hommes et femmes) décroît de manière inquiétante à cause des pollutions et des perturbateurs endocriniens. Bingo!
Avoir une envie d’enfant sur le tard, c’est quand même souvent synonyme de galère.
Le professeur Van der Veen, chef de service de gynéco à l’hôpital d’Amsterdam résume :  « Nous vivons de plus en plus vieux ; mais, pour les femmes, tout doit se faire entre 20 ans et 35 ans : les études, la carrière, trouver un partenaire, avoir des enfants. C’est tout simplement trop court. La société est ainsi faite que, dans certains cas, avoir des enfants n’est tout simplement plus possible (2) ».
Alors si tu as raté une étape dans ton marathon, ou que tu t’es un peu trop arrêtée au stand pour regarder les nuages, ou que tu t’es pas séparée au bon moment, si t’as toujours pas rencontré quelqu’un qui te corresponde, ou si tu es amoureuse d’une fille…
Eh bien tu es dans la merde, car en France, en tant que lesbienne et/ou célibataire, tu n’as aucun droit.
Depuis les États-Unis, la journaliste Rachel Donadio analyse : « La France a encore l’une des législations les plus restrictives d’Europe en matière d’accès aux traitements de l’infertilité. Il faut y voir le résultat d’un mélange de culture catholique, de bioéthique conservatrice et de débats anthropologiques et structuralistes extrêmement complexes sur la parenté et de la question de savoir si la construction de l’identité relève de la nature ou de la culture».(3) Prends ça dans ta face, Rousseau.
Le retour des culs-bénits
Les médias européens questionnent eux aussi notre capacité à accueillir cette réforme de bioéthique, comme le journal allemand Die Welt qui titre : « La société Française est-elle vraiment mûre pour cette réforme, mûre pour des familles sans père financées par des fonds publics ? »(4) C’est sûr qu’en matière d’égalité d’accès à la PMA, la France est tout de même bien en retard. Car il s’agit seulement de réclamer l’égalité. « Une égalité subversive qui mettrait à mal le modèle patriarcal de la Famille Papa Maman. Une égalité qui permettrait aux lesbiennes et aux femmes célibataires de ne plus être soumises au cadre du mariage, au bon vouloir du copain qui éjacule dans un pot de yaourt, ou de ne plus devoir consentir à des rapports sexuels plus ou moins souhaités dans l’espoir de tomber enceinte. Il s’agirait bien d’avoir les mêmes droits et d’éviter la PMA à deux vitesses : soit l’on a les moyens de se payer les services d’une clinique à l’étranger, soit on bricole à la maison. »(5)
 
La France des cathos réacs n’est évidemment pas enthousiaste. Ce sont les mêmes qui parlent « d ’IVG de confort » et maintenant de « PMA de convenance ». De toutes façons, chaque fois que les femmes ont entrevu la possibilité de maîtriser leur fécondité (contraception-barrière, pilule, IVG, Fécondation In Vitro, et aujourd’hui autoconservation des gamètes et PMA pour toutes), chaque fois que les femmes se sont battues pour la liberté d’être autre chose que des matrices, on a brandi l’étendard de la bonne morale bien haut. On défend les valeurs chrétiennes et patriarcales au nom d’une famille structurée, toujours sous couvert de protéger les enfants mais aussi d’infantiliser les femmes qui ne sauraient pas décider ce qui est bon pour elles.
Par rapport à 2013 et l’hystérie autour du mariage pour tous, cette fois-ci, le débat sur la PMA ne semble pas passionner les foules. Est-ce parce que le débat est déjà tranché dans la tête d’une bonne majorité de la population ? Si même Le Figaro soutient que les deux tiers des Français sont favorables à l’extension de la PMA à toutes les femmes (6), alors on pourrait être tenté de croire que la droite conservatrice n’existe plus. Mais on a quand même assisté à un léger revival de la Manif pour tous, qui a fusionné avec les pro-vie d’Alliance Vita (alléluia) pour se rebaptiser (amen) « Marchons Enfants! ».Ce nouveau collectif a manifesté régulièrement sous les slogans « Liberté , Egalité, Paternité »  ou « T’es où Papa ? » « Au rayon Surgelés ! ». Monseigneur Aupetit, archevêque de Paris, qualifie de « monstrueux » le fait d’infliger volontairement l’absence d’un père.
Mais comment l’église catholique, désavouée par les scandales de pédophilie ose t-elle encore se poser comme référente sur les questions familiales ?Alors pendant que les grenouilles de bénitiers font le planton devant les différentes assemblées, moi je poursuis mes réflexions.
Mes ovocytes au congélo ?
Aujourd’hui en France, contrairement aux pays voisins, une femme ne peut conserver ses ovocytes que si elle est concernée par une thérapie invasive (chimio, rayons) ou si elle est porteuse d’une maladie qui met à mal sa fertilité comme l’endométriose. 
Personne ne trouve rien à redire au fait qu’une femme atteinte de cancer puisse congeler ses ovocytes pour une éventuelle grossesse par PMA post-maladie, et heureusement. Les avancées scientifiques sont donc moralement bien acceptées mais uniquement pour un usage thérapeutique. Ce n’est donc pas la technique le problème mais bien l’usage qui en est fait.
La première fois que j’ai entendu parler de l’autoconservation des ovocytes, c’était il y a environ cinq ans. Les patrons de Google et Facebook proposaient à leurs cadres femmes de payer la congélation de leurs ovocytes afin de repousser une grossesse éventuelle à un moment où celle-ci elle n’entraverait pas leur carrière. Je m’étais sentie projetée dans le Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley. J’avais méprisé intérieurement cette avancée technologique qui soumettait les femmes aux caprices du capitalisme patriarcal.
J’ai longtemps pensé que ce genre de procédé était utilisé seulement par les working-girls de la Silicon Valley. Je n’aurais jamais pensé un jour me poser la question moi-même. Dois-je congeler mes ovocytes pour espérer gagner un peu de temps pour prendre ma décision ?  Je sais aujourd’hui que de nombreuses femmes qui souhaitent congeler leurs ovocytes se rendent en Espagne. Buenaventura Coroleu, chef de service PMA dans une clinique de Barcelone, explique : « Lors des premiers pas de la PMA, les femmes qui y avaient recours avaient autour de 30 ans, un partenaire masculin et des problèmes de fertilité. Les choses ont beaucoup changé au fil du temps. Aujourd’hui, l’âge moyen des patientes est de 39 ans (plus de la moitié a plus de 40 ans) et elles s’adressent aux centres de PMA à cause de problèmes de stérilité liés à leur âge. »(7).En Espagne, il y a 307 centres de fertilité, des cliniques privées qui accueillent parmi leur patientèle de nombreuses étrangères qui veulent bénéficier d’une congélation d’ovocytes. Les chances de grossesse ultérieure sont pourtant faibles : entre 10% et 22% par tentative avec des ovocytes congelés, selon l’INSERM (8). Ce faible taux de réussite, les cliniques espagnoles n’en font pas la publicité. Ce sont toutes des cliniques privées et il est très difficile d’évaluer leur chiffre d’affaires. Il est par contre très facile d’obtenir un devis en ligne pour les différentes interventions : de 5000 euros la congélation d ovocytes à plus de 7500 euros la FIV double don ( don d’ovocyte + don de sperme) : le business est plus que juteux. En ce qui me concerne, entre le taux de réussite, pas franchement folichon, le pécule qu’il me faudrait emprunter et ma volonté de ne pas alimenter ce genre de méga-business, vous comprendrez que je peine à prendre une décision.
En France, la seule manière de pouvoir espérer conserver une partie de ses ovocytes, c’est paradoxalement …de les donner ! La chroniqueuse Klaire fait Grrr, raconte son parcours de la combattante pour donner ses ovocytes dans l’amusant podcast « Plaisir d’offrir : mes œufs dans un autre panier (9) ».Elle raconte l’attente interminable des couples hétéros dépendant d’un don (2 à 5 ans en moyenne) et décrit un processus fastidieux, avec de nombreux rendez-vous, un traitement hormonal lourd pour la donneuse et une ponction ovarienne qui se déroule souvent sous anesthésie générale. Les donneuses françaises ne se bousculent pas au portillon, alors on leur fait miroiter la possibilité de garder une partie de leurs ovocytes pour elles-mêmes, si elles dépassent un nombre défini d’ovocytes destinés au don, ce qui n’arrive que rarement.
À cause de ces longs délais, de nombreux couples hétéros, qui pourraient pourtant bénéficier d’une procédure remboursée en France, se tournent eux aussi vers les cliniques espagnoles. Enfin ceux qui en ont les moyens.
 


Vends Ovocytes du sud pour femmes du nord


Il y a un an et demi, je suis tombée par hasard sur une série d’émissions sur France Culture « PMA-Hors la loi (10)». Cette écoute a été pour moi un électrochoc. Adila Benedjaï-Zou, la réalisatrice, y raconte son parcours de femme célibataire de 43 ans, qui se rend à deux reprises en Espagne pour y faire une FIV. J’ai été bouleversée par son récit ainsi que par les multiples histoires de PMA, réussies, en attente, ou ratées, de celles qu’elle interviewe.
En Espagne ou en Grèce, deux pays fortement impactés par la crise économique, donner ses ovocytes peut devenir une substantielle source de revenus. En Grèce, 40% des donneuses avouent donner leurs ovocytes pour des raisons purement économiques(11).
Dans un des épisodes de la série PMA-Hors la loi, intitulé La graine magique, Adila raconte avoir eu recours aux ovocytes d’une donneuse, après avoir tenté sans succès une FIV avec ses propres ovocytes. Elle estime alors « bénéficier d’un système qui monnaye le fait que des femmes jeunes de l’Europe pauvre aident les femmes vieilles de l’Europe riche à avoir des enfants ».
Entamer un parcours de PMA seule, avec tout ce que cela implique comme chamboulements émotionnels, et devoir le vivre à l’étranger, dans un pays dont on ne parle parfois pas la langue, en faisant ses injections d’hormones dans une chambre d’hôtel, ça frise le sordide. Et si en plus on contribue à la marchandisation du corps d’une autre femme, bonjour l’angoisse. Elle poursuit : « si j’avais été prévoyante, et surtout si j’avais su, j’aurais pu congeler mes ovocytes lorsqu’il était temps. ».Puis elle ajoute : « il y a une grande inégalité entre ceux qui ont les moyens et le culot social de violer la loi et les autres. ». Il est temps d’accepter que l’autoconservation des ovocytes et les FIV double don (don d’ovocyte + sperme) sont déjà une réalité, et qu’étendre ce droit à toutes les femmes permettrait d’éviter que d’insidieux rapports Nord/Sud conditionnent l’usage que nous faisons de nos ventres.
Le projet de loi en cours d’examen est inégalitaire puisqu’il proposerait aux femmes qui le souhaitent de conserver leurs ovocytes à condition de payer pour cela. Les cliniques privées ont de beaux jours devant elles. A contrario, un remboursement sécu permettrait non seulement de garantir l’égalité d’accès à cette technique, mais aussi à des lieux sûrs et aux normes,  et d’éviter la pression que des entreprises pourraient faire peser sur leurs salariées en leur proposant de payer les frais de conservation.
Aujourd’hui, pour quelques-unes des femmes qui se rendent en Espagne, que ce soit pour une congélation d’ovocytes ou pour une FIV, certains gynécos français arrangeants acceptent de faire un doublon des ordonnances espagnoles pour alléger la facture. Par curiosité, j’ai demandé à la gynéco qui me suit à Rodez si elle accepte ce genre de pratiques. Elle a dit non mais m’a donné le nom d’un gynéco à Toulouse qui « accompagne » les femmes qui se rendent en Espagne. Dans PMA, Hors-la loi, Adila interviewe sa gynécologue qui témoigne : « Un nombre de plus en plus grand de femmes font des choses interdites par la loi, sans que personne ne soit choqué, comme pour l’avortement dans les années 70. Si la loi est injuste, on la transgresse et on se bat pour qu’elle change. »
Filiation et accès aux origines
L’extension de la PMA pour toutes les femmes remet sur le tapis le débat épineux autour de la filiation. Pour l’instant les lesbiennes doivent encore se marier pour pouvoir adopter leur propre enfant, et la procédure d’adoption est longue et coûteuse. Pourquoi les familles homoparentales seraient-elles les seules à être dépendantes du mariage, que beaucoup rejettent comme institution ?
Il ne faut pas non plus oublier les familles constituées avant la loi de 2013, dont le couple est séparé et ne se mariera donc pas. Ces familles-là aussi ont besoin de faire reconnaître leurs droits de filiation.
Est-il encore pensable en 2020 d’être convaincu que la filiation n’est qu’une affaire de génétique ?
C’est là que les questions autour de la filiation rejoignent celle de l’anonymat des donneurs. Les lesbiennes, comme les femmes célibataires qui n’ont pas eu d’autre choix que de faire une PMA artisanale avec un ami, sont exposées à un risque : celui que le géniteur revendique à posteriori ses droits sur l’enfant.(12)
Dans une société qui ne fait pas de différence légale entre géniteur et père, les femmes continuent à devoir se plier au bon vouloir d’un homme.
Par contre, la législation française interdit toute contestation de filiation pour les personnes nées par un don de gamète. A l’avenir, il sera beaucoup plus sûr pour ces femmes de passer par une PMA. Les enfants nés de don pourront avoir accès à leur majorité à des informations non-identifiantes sur le donneur ou la donneuse. Si il/elle a donné son accord au moment du don, à son identité.
Dans les pays où l’on a enlevé la clause d’anonymat pour le don de gamètes, comme le Royaume-Uni ou la Finlande, le nombre de donneurs/donneuses n’a pas chuté. Alors pourquoi pas ?
Il est important de rappeler que l’accès aux origines n’est pas une recherche de filiation. Le géniteur n’est pas un parent.
On retrouve ces questions autour de l’accès aux origines et à l’anonymat dans le parcours d’Adila . Elle sait juste que son géniteur mesure 1m84, et qu’il est de type « caucasien-cubain ». La réalisatrice s’interroge : « Quel récit offrir à son enfant sur son histoire ? On peut imaginer un récit de base qui finira comme une conversation. Il faut accepter de ne pas pouvoir préserver son enfant de toutes les questions qu’il aura à se poser dans la vie : aucun adulte ne le peut. »
 
Lever le tabou sur la PMA


Un parcours de PMA n’est pas une chose facile, c’est long et fastidieux, parfois douloureux. Adila Benedjaï-Zou dit à juste titre : « Le parcours de la PMA révèle le rapport qu’on a à l’espoir. Il y a ceux qui y croient jusqu’au bout et ceux qui partent vaincus. Et ceux qui essayent de conjurer le sort ».  La PMA n’est donc pas exactement une solution miracle réservée à une élite bourgeoise qui déciderait d’avoir un enfant par caprice.
La famille du 21 ème siècle ne sera pas celle du 20 ème siècle. De nouvelles formes vont se dessiner, à notre image, mixtes, bordéliques et joyeuses. On peut souhaiter que les enfants issus de ces nouvelles familles soient épanouis, heureux d’avoir grandi différemment, et qu’ils trouvent dans les cours des écoles bien d’autres enfants qui ont été conçus comme eux. Si c’est le bien-être de l’enfant qui importe, il est important que la PMA soit acceptée par la majorité et ne reste plus comme quelque chose de stigmatisant.
Progresser vers une société plus juste pour toutes et tous, c’est reconnaître le fait qu’il y a des femmes qui souhaitent avoir des enfants avec lesquels elles aient un lien biologique, d’autres un lien de filiation à travers une FIV double don ou une adoption , et d’autres encore qui ne veulent pas d’enfant.
Quant à moi, je n’ai toujours pas les idées claires sur ce que je souhaite, mais je compte bien prendre le temps d’y réfléchir encore et encore.
Comme amère conclusion, à l’heure où j’écris ces lignes, le Sénat vient d’adopter une version du projet de loi largement modifiée. La PMA pour toutes est votée de justesse, mais pas son remboursement. L’amendement sur l’autoconservation des gamètes est lui aussi rejeté, les donneuses espagnoles continueront donc à brader leurs ovocytes pour faire face à la crise. Vive l’Europe !
La proposition de reconnaissance conjointe pour les couples lesbiens a également été rejetée, pour garder la voie actuelle de l’adoption. On appelle ça un joli rétropédalage et pas exactement dans le sens de l’égalité pour toutes. Cependant, il reste encore un passage devant l’Assemblée Nationale qui pourra revenir sur les amendements rejetés par les sénateurs. Affaire à suivre, donc.
Pied de nez final : Comme j’aime bien les statistiques, j’ai trouvé que le Sénat est composé de 71% d’hommes, dont la plupart sont âgés de plus de 60 ans.
Et visiblement, ce sont eux qui décident ce que les femmes doivent faire de leur corps.


(1) « L’ AMP et la baisse de fertilité avec l’âge », 2018, HYPERLINK « https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/fiche4-amp.pdf »www.agence-biomedecine.fr/
(2)« Mesdames faites congeler vos ovules »,23/09/2009, Vrij Nederland.
(3) « Why IVF had divided France ? »,06/10/2019, The Atlantic.
(4) « Kinder of Rezept für alle »,12/08/2019, Die Welt.
(5) « La PMA n est pas naturelle, le couple hétérosexuel et ses enfants biologiques non plus», 17/10/2014, www. HYPERLINK « http://larotative.info/ »larotative.info
(6) « Les deux tiers des français favorables à la PMA pour toutes », 17/10/2019, Le Figaro.
(7)  « Las clínicas de reproducción asistida viven un boom en España », 27/08/2019, El Périodico de Catalunya.
(8) « Techniques de préservation de la fertilité »,01/03/2018, www.inserm.fr/
(9)« Plaisir d’offrir : mes œufs dans un autre panier »,2019 , Arte Radio.
(10) «PMA, Hors la Loi» une série documentaire de Adila Benedjaï-Zou, 2018, France Culture,
(11) « Grèce :Face à la crise, les femmes bradent leurs ovocytes », 29/05/2017, Proto thema pour Courrier International.
(12) « Un couple de lesbiennes obligées de reconnaître les droits du géniteur »,31/07/2013, Le Monde.
(13) « Loi de Bioéthique : le Sénat adopte un texte largement expurgé », 04/02/2020 ,Libération.

Encadrés

C’est quoi la PMA et c’est pour qui ?
La PMA est la somme des techniques médicales de reproduction assistée. La plus ancienne des techniques, c’est l’insémination artificielle (IA). Le procédé est simple : le sperme du donneur (ou du conjoint) est recueilli puis déposé avec un cathéter au niveau du col de l’utérus ou dans la cavité utérine de la femme. Par exemple, l‘insémination peut être une solution pour une femme seule ou un couple de lesbiennes qui ne souhaitent pas avoir de rapport sexuel avec le géniteur, ou pour une femme séropositive ayant un désir de grossesse.
Pour l’instant en France, seuls les couples hétéros avec un problème d’infertilité peuvent légalement bénéficier d’une insémination. Les femmes qui sont dans d’autres configurations amoureuses doivent avoir recours à une insémination artisanale, à la maison. Non seulement ce n’est pas toujours safe, mais ça implique d’avoir un ami qui est volontaire pour être le donneur.
La deuxième technique la plus répandue est la fécondation in vitro (FIV), où la femme subit une ponction de ses ovocytes qui sont ensuite cultivés puis fécondés avec des spermatozoïdes. On obtient un embryon qui est réimplanté ensuite dans la cavité utérine.
Comme pour l’insémination, seuls les couples hétéros infertiles peuvent bénéficier d’une FIV. La sécurité sociale rembourse 6 tentatives d’insémination et 4 FIV, avant les 43 ans de la femme.
La PMA c’est aussi les techniques de conservation du sperme, des ovocytes et des tissus ovariens.  En France, l’autoconservation des gamètes est interdite sauf raison médicale, mais ils peuvent être conservés dans le cadre d’un don.
 La Gestation Pour Autrui (GPA) est interdite en France mais autorisée aux États-Unis, en Grèce ou en Russie,et le diagnostic préimplantatoire (DPI) est autorisé uniquement pour les couples atteints d’une maladie génétique rare.

 
Cette loi, elle changerait quoi ?
Bon, on ne va pas se mentir, ce projet de loi ce n’est pas la panacée. Sur l’échelle de l’audace, on est pas loin du zéro. D’ailleurs, lors de la marche des fiertés de juin dernier, au lieu de la célébrer, l’inter-LGBT a défilé avec des pancartes « Filiation-PMA, Marre des lois à minima ». Leur communiqué sur le mot d’ordre de la marche est : « Nous en avons marre de ces politiques, de ces experts et de ces médias qui se prononcent sur nos familles sans connaître notre diversité. Nous en avons marre de ces gouvernements qui nous font attendre des années en proie au discours de haine pour présenter comme de grandes avancées des lois sans ambition. Nous en avons marre de ces lois qui laissent des discriminations perdurer et nous ouvrent des droits morcelés, précaires, inadaptés. » (0)
Le projet de loi, présenté comme l’une des grandes réformes sociales du quinquennat Macron, est somme toute un joli pétard mouillé. Voici un résumé des principales propositions:
-Le texte prévoit d’étendre l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules et propose que l’utilisation de cette technique soit prise en charge par la sécurité sociale, comme c’est le cas pour les couples hétérosexuels. Pour cela, le gouvernement propose de faire disparaître le critère médical d’infertilité, qui conditionne jusqu’ici l’accès à cette technique.
Par contre, les personnes intersexes, trans ou non binaires sont toujours exclu.e.s de la loi.
 -Autoconservation : Possibilité pour les femmes qui le souhaitent de congeler leurs ovocytes, si elles sont prêtes à payer pour le faire.
-Filiation : Les couples de femmes pourraient établir devant un notaire une « déclaration anticipée de volonté » avant l’accouchement. Cette déclaration serait présentée à l’officier d’état civil après l’accouchement et remplacerait l’actuelle procédure d’adoption. Par contre, pour les enfants déjà nés, dont les parents ne souhaitent pas se marier ou qui se sont séparés, aucune solution de filiation n’est proposée.
-Anonymat : Le gouvernement propose de permettre aux personnes nées d’un don de gamètes d’accéder à leur majorité, à des éléments sur la personne qui a permis leur naissance, qu’il s’agisse d’un donneur de sperme ou d’une donneuse d’ovocytes. Il peut s’agir de données non-identifiantes  (âge, caractéristiques physiques, pays de naissance, motivation du don) ou de « l’identité » de ce tiers donneur,s’il a donné son accord au moment du don.

(0) Marche des Fiertés, 2019, www.inter-lgbt.org/

texte : la vieille égoïste / dessin : Chispa