Numéro 4

Peuchère

Tout n’est pain perdu…

Les conditions de vie des précaires durcissent plus vite que le pain. Mais si la peuchère d’Aveyron n’est pas en bonne santé, elle ne va pas se laisser abattre. Au pays de la marche à la baguette, j’ai encore une tartine de choses à dire. Bon appétit!

Premier hiver sous le règne du petit frère des riches. Point météo au vu des dernières tempêtes : faut pas compter sur le réchauffement climatique pour faire de nous des fainéants réchauffés. Au menu pour les précaires : un buffet froid sans buffet, les miettes à même le sol. Baisse des allocations logements, quota de HLM non-respecté dans 1222 communes en 2017, expulsions locatives atteignant le chiffre record de 14 363 expulsions en 2015. Tant qu’à y être, je vais rappeler l’augmentation de 44% de SDF entre 2001 et 2013 en France (1) tandis qu’en Europe il y a plus de 4,1 millions de SDF pour 11 millions de logements vacants (2). En guise de trou normand, le comble de l’aide sociale : les personnes expulsées lors de l’assaut du Raid au 48 rue de la République à St Denis en novembre 2015 n’ont toujours pas été relogées, ni indemnisées par l’ État. Pour le dessert, une bonne blague des organisateurs de misère : la revalorisation des minima sociaux n’est plus effective au 1er janvier, mais au 1er avril. Vivement le printemps !

Je sais pas vous, mais moi, la période des fêtes me donne envie d’hiberner du 15 novembre au 15 janvier (ce qui allégerait substantiellement mes factures). Le truc qui me met particulièrement les boules de Noël, tous les ans, c’est le marronnier des grands médias sur le scandale perpétuel des gens qui meurent de froid. Je trouve ça fort cynique qu’entre deux parts de bûche pâtissière, les gens conformes soient conviés à se féliciter d’avoir une place au chaud dans leur valeur refuge, pardon, leur bien immobilier. Loin de la rue et de ses stratégies de survie quotidienne auxquelles beaucoup d’ailleurs, ne survivent pas (3). Cela rend-il le goût de la crème pâtissière plus savoureux dans le living de Belle-Maman? Je me demande. Vu que les années passant, ça ne cesse d’empirer niveau précarité et gens à la rue. Décidément, je ne comprends pas la notion d’État providence. N’étant pas née sous une bonne étoile mais sous les mêmes étoiles que tout le monde. Consciente que la providence institutionnelle n’opère que si on a bien rampé pour la  »mériter ». Je ne compte pas plus sur la providence que sur les fêtes de fin d’année crémeuses pour améliorer ma condition. Par contre, je veux bien croire au revenu inconditionnel et à ses impacts bénéfiques sur la santé. Parce qu’attention, scoop du siècle, petit jingle au Bontempi (le piano à queue des supermarchés) : quand on a suffisamment d’argent, on est en meilleure santé.

Laissez-moi poursuivre en vous parlant de mon cas de peuchère depuis le # 3. Je n’ai jamais reçu de chèque énergie pour 2017. J’ai fait une réclamation, je n’ai jamais eu de réponse. J’ai quitté l’appart où j’étais avec son compteur Linky et son froid glacial. J’ai trouvé de nouveaux proprios qui ont décidé de mettre leur patrimoine immobilier, leurs compétences et leur énergie pour loger des personnes précaires à moindre frais. Des logements bien isolés, sans besoin de garanties. En plus, i.elles font des confitures. Michto. Bon, ça ne me fait pas rêver de payer un loyer, mais dans la mesure où la transaction est réglo et le contact chaleureux, c’est correct. J’encourage d’ailleurs vivement les propriétaires à développer la démarche, parce qu’ici en Aveyron, des bâtiments vides, il y en a autant que des canards cirrhotiques dans le Gers. Un bâtiment vide étant un bâtiment qui se dégrade bien plus vite, ça a été démontré. Et qu’entre Rodez, Villefranche, Capdenac et Decazeville, il y a un parc immobilier énorme qui est prêt à tomber en ruine. Alors si vous avez des lieux qui moisissent pour un temps ou pour longtemps, soyez chic : laissez-nous y habiter contre bons soins. En bonne entente. Parce qu’il y a urgence à remettre de la vie là où il y a du vide. Pas de méprise, ce que j’exprime n’est pas une ode à la charité, juste un appel au bon sens. Sans même parler de revenu inconditionnel, on pourrait envisager un plan de logement inconditionnel, non ? J’en connais qui troqueraient bien leurs pieds-de-biche contre des chaussures confortables et étanches…

J’ai emménagé dans une petite ville comme moi : sinistrée mais bien vivante. Toutes ces années de misère, ces apnées de la subsistance, ont eu des conséquences directes sur ma santé. J’ai dû faire de ma survie un job à plein temps. J’ai fini par déposer une demande d’AAH (4). Après avoir passé des mois à constituer un dossier à base de certificats médicaux et d’évaluation clinique, soutenue par des professionnels de santé. À la suite d’une longue attente, j’ai enfin une reconnaissance officielle d’adulte handicapée. Pour un temps déterminé, je suis une convalescente certifiée conforme. Je n’en ai pas honte. Pour moi, ça a été une pression énorme qui retombait, une trêve dans un parcours de combattante. Bizarre de trouver de la force et du mieux-être en étant considérée comme invalide, vulnérable, handicapée ? Pas du tout, il n’y a pas de mal à se faire du bien. La reconnaissance de mes troubles est un bénéfice. Brut. Quant au bénéfice net, si le RSA c’était du beurre sur des pâtes premier prix, l’AAH c’est l’accès aux épinards frais. Une autre idée de la diététique. Si ta demande est acceptée, tu touches d’un coup le complément entre le RSA et l’AAH sur tous les mois depuis le dépôt de ta demande. De quoi accompagner les épinards avec un très bon whisky, histoire de fêter ça. Sinon, l’AAH à un taux intermédiaire, c’est un peu comme le revenu universel vu par les libéraux : on te donne une  »bourse », à toi de la gérer. Par contre, tu n’as plus la gratuité des transports car l’AAH est à 810 euros par mois, alors que le barème d’accès est à 800 (bravo le plan mobilité pour les personnes en situation de handicap). Ni la CMU-C, puisque là encore, le barème est dépassé au bout d’un an. Ça te laisse dans la case des personnes pauvres, mais ça fait sauter tes droits à la couverture santé universelle. Et si tu es en couple avec quelqu’un.e qui a de la maille, ton AAH est dégressive, voir nulle. Sympa l’autonomie. Pirouette avec les cacahuètes, bien en dessous du seuil de pauvreté. C’est pas Byzance mais ça fait du bien. Surtout l’atténuation de certains de mes symptômes psychiques liés à l’arrêt du contrôle social régulier imposé par l’État (5). J’aimerais beaucoup que mes ami.e.s au RSA puissent aussi savourer ça. Je veux pas une part du gâteau, je veux que tout le monde ait du bon pain.

Faut que je fasse bien gaffe, mais j’ai assez d’argent pour acheter des livres et suffisamment de temps pour les lire.  » Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique  » de Mona Chollet, est arrivé pile poil dans ma vie. Éloge de l’abri. Oui, quand on passe de SDF à logé, on peut commencer à se construire. Elle cite Christopher Alexander, un architecte américain qui dit en substance : si une personne ne dispose pas d’un territoire propre, attendre d’elle qu’elle apporte une contribution à la vie collective revient à « attendre d’un homme qui se noie, qu’il en sauve un autre ». Y’a pas photo. Avoir un logement individuel est un vecteur de douceur et de prise de conscience d’un état que je ne connaissais pas et qu’on pourrait appeler : la paix. État fugace mais tout de même envisageable. Quand on a eu un parcours de chaos perpétuel, il faut un long temps d’adaptation à la quiétude (6). Dans mon cas, sortir du mode survie fut tellement long, que je n’envisageais même pas que ce soit possible. Ma marche en avant se résumait à  » Destin = Scoumoune  » (ce qui n’est pas terrible comme slogan de start-up). Personne ne mérite ça. Alors qu’est-ce qui pousse une société aussi abondante que la nôtre, à générer autant d’inégalités ? Baptiste Mylondo (7) questionne :  » Mais est-ce qu’on est sûr de vouloir se passer des pauvres ? (…). On trouve que la pauvreté est injuste sauf qu’elle nous semble acceptable. La preuve, c’est que dans une société aussi riche que la nôtre, la pauvreté perdure  ». Faut bien avouer que la pauvreté fait système. Les SDF et les plus pauvres d’entre nous sont les meilleurs garde-chiourmes sociaux. Les supers vilains de la fable du mérite avec laquelle nous sommes tous et toutes dressé.e.s à ne pas mélanger les torchons et les serviettes. La blessure étant dégueulasse, on détourne le regard. Au mieux, quelques bonnes âmes y mettront du désinfectant. Plutôt que de désarmer celui qui tient le couteau, les winners font l’histoire et nous imposent de vicieux glissements de vocabulaire. Les  » exploités  » deviennent des  » défavorisés  », les  » prolétaires  » des  » pauvres  ». D’un coup, il manque la notion d’oppression. En l’état,  » Se sauve qui peut  » à la place de  » Liberté, égalité, bla, bla  » sur les bâtiments officiels serait plus cohérent.

Revenons à mon cas de peuchère qui en a soupé du classisme jusqu’à intoxication. J’ai longtemps vécu en squat mais en gravitant aussi dans plein d’autres sphères. J’ai pu constater que dans le monde alternatif, comme ailleurs, on parle rarement de nos origines sociales. C’est par hasard, ou au gré du temps qu’on découvre qui est bien doté du cadeau de la vie. Qui est là par choix ou par nécessité. Dans ce milieu, j’ai pu goûter une illusion de  » neutralité  » sociale. C’est plutôt agréable à vivre, niveau estime de soi, quand on est pauvre. Mais ça fausse les rapports de classe. Tabou le classisme. On n’en parle pas : il n’existe pas. Et les personnes vraiment pauvres sont de fait, les plus isolées dans le groupe, sans le savoir. J’y vois deux raisons. 1: Les gens  » favorisés  » ont tendance à ne lier des relations longues et profondes qu’avec leurs semblables. 2 : À nier leurs privilèges, en focalisant l’attention sur leur  » marginalité  » choisie, i.elles biaisent leur rapport aux personnes concernées par la pauvreté crue. Sans vraiment s’en rendre compte. Ambiance camouflage, jusqu’à un certain point. Quand le terme cas soc’ est utilisé pour désigner des personnes toxiques, non pas une situation sociale. Toutes ces fois où je constate que le jugement de valeur est le premier crachat dans la face de l’autre, celui qui n’est pas un semblable. Celui qui pue la sueur, quand soi-même on ne s’autorise pas à péter un coup. Comme cette fois où j’étais dans un lieu alterno chez des gens qui ont déblatéré une partie de soirée sur des  » kassos  » et la gêne qu’ils occasionnaient dans l’espace public. Dans leurs propos, y’avait l’assurance d’être mieux que  » les pires  ». C’était tellement sidérant pour moi d’assister à cette discussion, que j’ai dissocié. Impossible de réagir, ni de dire quoi que ce soit. Et quand je dissocie, je me noie dans l’alcool, pour faire tampon avec les choses que j’entends, que je ressens. Jusqu’à vomir. No fun. Longtemps, je n’ai pas compris pourquoi dans certaines situations, des ami.e.s me mettaient à l’écart. Ça me paraissait totalement impossible que ce soit par rapport à ma situation. Il a bien fallu que je reconnaisse que je n’était pas conviée à certaines soirées, sorties ou voyages. J’étais un chien de la casse alors que je croyais être un petit ourson comme les autres. Réassignation sociale pour la mutante que je suis : j’ai le niveau culturel des riches, mais pas leurs codes, ni leur niveau de vie. Souvent, les personnes que je rencontre pensent que je suis bourge, de fait. Toutes mes confuses… J’ai grandi dans un milieu extrêmement cultivé, oui, mais en HLM. Alors quand j’exprime mes problèmes en société, que ce soit par les états dans lesquels je navigue, ou par les sujets que j’aborde, je mets souvent mes potes upper-class très mal à l’aise. Tout simplement parce que je suis  » un cas social  » en vrai, qui parle de sa condition, de ses difficultés, de ses stratégies de subsistance. Quand je ne dissocie pas, submergée d’émotions, pour finir la tête dans la cuvette.

C’est rude à constater, pour moi comme pour mes proches : mes problèmes de santé sont la conséquence directe des violences répétées que j’ai subies et des mauvaises conditions de vie qui en ont découlé. Avant d’entamer des démarches thérapeutiques, je n’avais aucune idée de l’effet glaçant que produisait mon état sur des ami.e.s moins abîmé.e.s par la vie. Les zombies sont plus populaires que les survivant.e.s. Il n’y a qu’à regarder du côté de l’accueil réservé aux victimes de crimes sexuels dans les comicos pour en être bien sûr. Quelle que soit la situation, demander de l’aide est un effort énorme à fournir. Sortir du mutisme, de l’auto-dévalorisation et de la honte. Affronter l’auto-destruction qui n’est pas la meilleure façon de demander de l’aide, mais c’est parfois la seule forme possible, malheureusement. J’ai passé des années dans un état de non-assistance à moi-même, tout simplement parce que je n’avais aucune ressource disponible à part la fuite en avant, l’hyper-activité et la fête permanente. Des stratégies d’évitement très efficaces. Qui aboutissent au burn-out, à l’overdose ou au suicide. Il y a vraiment des soins qui se perdent. La faute au déni, à la mise à distance des choses qui nous touchent vraiment. La faute au culte de la performance et de l’excellence qui ne permet pas le soutien mutuel. Aujourd’hui, je me ménage, ma vie est moins trépidante mais beaucoup plus riche. Fragile ? Et alors… Ça tombe bien, que ce soit envers soi ou les autres, la bienveillance n’est pas un luxe. Même si les soins coûtent cher en thunes comme en énergie.

J’ai fondu en larmes dans ma cuisine froide quand je suis tombée par hasard sur le travail d’Evelyn Forget (8). Elle a analysé des données d’une expérience menée à Dauphin au Canada, entre 1974 et 1979. Un revenu inconditionnel pour toutes les personnes en âge d’être actives. Sous forme d’impôt négatif : on te donne de l’argent, sans conditions, au lieu de t’en prendre. Personne avant elle, en 2008, n’avait pensé à étudier cette expérimentation au niveau de la santé et de l’éducation. Deux chercheurs dans les années 80 s’étaient penchés sur les répercussions sur le travail. Leur conclusion : les gens ne se sont pas massivement arrêtés de travailler. Les jeunes mamans en ont profité pour passer plus de temps avec leurs enfants, certes. Et les jeunes gens issus de milieux craignos ont pu se payer des études et donc obtenir leur premier job, plus tard. Voilà pour les  » profiteurs  ». Pour Evelyn Forget, le plus spectaculaire, c’est les conséquences sur la santé des usagers. Une baisse de 8,5% des admissions hospitalières pour blessures physiques et domestiques, tentatives de suicides et urgences psychiatriques. Ainsi qu’une baisse des consultations en médecine générale pour anxiété et dépression. Séjours à l’hôpital, moins longs, moins fréquents (9).

Des solutions existent donc pour atténuer et soulager la misère. Les cas soc’, nos copains et moi, on est bien heureux d’apprendre que la stabilité économique est le plus fort facteur de santé et d’estime de soi. Ça me rappelle que le terme  » squat  » veut dire  » être accroupi  ». Et ne marcher qu’accroupi, ce n’est ni facile, ni confortable, ni class’, ni sexy. Et puis ça fait mal au dos. Alors quand je vois mon reflet dans la rue aujourd’hui, je n’en reviens pas de m’apercevoir digne et bien vivante. Je ne regrette rien de mes choix et continue de contribuer dans les squats, même si je n’y vis plus. Je considère comme Mylondo que « Nous participons tou.t.e.s à l’enrichissement collectif, d’une manière ou d’une autre. Que nous sommes tou.t.e.s bénévoles dans une grande association qui s’appelle la société ». Je vomis, pour de vrai, ce système qui génère et alimente les inégalités sociales. Mais le jour où j’ai entendu Mme Forget donner le rendu de son travail, j’ai pas vomi, j’ai pleuré comme jamais. Mon ruisseau de peuchère. La tristesse doit bien s’exprimer sous une forme, pour pouvoir se transformer en colère. Or, la colère est utile en plus d’être légitime. La colère c’est la ronce de la pensée. Celle qui prépare le terrain pour la forêt à venir… et celle qui donne les fruits de la confiture de mûres, qu’on peut mettre sur le pain perdu partagé.

Peuchère

1: Rapport # 19 et # 22 de l’état du mal-logement en France par la fondation Abbé Pierre.
2: L’Express, le 24 février 2014,  »Il y a presque trois fois plus de logements vides que de SDF en Europe ».
3: Site de l’ONPES, article du 21 Novembre 2017, Collectif Les morts de la rue, rapport 2017,  »Dénombrer et Décrire la mortalité des personnes sans domicile décédées de 2012 à 2016 ».
4: Deux cas de figure pour l’AAH : soit l’invalidité est de 50% à 79% (taux intermédiaire) accordée pour 1 à 5 ans. Soit l’invalidité est de 80% et plus (taux maximum) accordée de 5 ans à toute la vie. La pension est de 810 euros par mois, revalorisés en 2018 à 860 euros.
5: France Culture, émission « La grande table » du 26/04/ 2016 « Quel salaire pour quel travail? ».
6: France Culture, « Les pieds sur terre » du 09/08/2016, Lire et Ciné « Sans toi ni loi »
7: Baptiste Mylondo, économiste, philosophe, enseignant-chercheur, fondateur de la coopérative d’inactivité. www.cooperativedinactivite.org
8: France Culture, « Culture Monde » du 06/03/2017, « Repenser le travail, les balbutiements du revenu universel ».
9: site du mouvement français pour un revenu de base, article de Stanislas Jourdan du 06/12/2012,  »Canada : retour dans le passé de la  »Ville sans pauvreté ». Seul entretien avec Evelyn Forget en français.

Bibliographie :

– Mona Chollet – Chez soi, une odyssée de l’espace domestique – édition La Découverte/Poche
– Sophie Divry – Quand le diable sortit de la salle de bain – édition J’ai lu
– Gaston Bachelard – La poétique de l’espace – édition PUF
– Virginia Woolf – Un lieu à soi – nouvelle traduction par M.Darrieusecq édition Denoël
– Charles Bukowski – Avec les damnés – édition Le Livre de Poche
– Camille de Toledo – Archimondain Jolipunk – édition le Livre de Poche
– Cara Zina – Handi-Gang – édition Libertalia poche
– Baptiste Mylondo – Pour un revenu sans condition – édition Utopia