Numéro 7

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Edito

Intérieur. Fin de journée.
Dans une maison branlante au cœur d’un village anonyme, cinq individus hébétés se réunissent dans un décor spartiate. Des tréteaux, une planche, une bouteille de bière et un poêle à bois qui ronronne. La tension est palpable.

– Bon, on le fait sur quoi cet édito ?
– Bah c’est évident non ? Ça pète dans les rues toujours plus, des gilets rouges et des gilets jaunes défilent côte à côte, et pourtant il dégaine le 49.3 pendant que les keufs continuent à massacrer les manifestants à coup de LBD…
– Ouais c’est clair, mais je préférerais qu’on parle plus de la lutte que de la répression. Vous avez vu cette explosion des actions, et pas qu’en manif ? Même la CGT se met à l’action directe.
– Et… on parle pas de la bite à Griveaux ?
– …
– …
– Faut qu’on se trouve des potes à la CGT énergie pour faire disjoncter deux trois comicos en Aveyron !
– Sérieusement… On a vu quelques gilets rouges faire le pas de côté, nan ? Certains ont pas hésité à sortir du parcours déclaré, à rejoindre le cortège des gilets jaunes, à mettre un coup de peinture ici ou là, à bloquer une mairie ou à monter des barricades enflammées. Pour moi c’est clair, les syndiqués s’inspirent de plus en plus des gilets jaunes.
– Mais nan, ce mouvement, cette période, c’est plutôt un gros milk-shake de Nuit debout, des cortèges de tête de la loi travail, des dizaines de ZAD, des actions écolos, de la 4ème vague féministe et des milliers de GJ encore debout.
– D’un autre côté, faut pas se voiler la face : la plupart des manifestants défilent en ordre, bien sagement, et il a manqué masse de monde… Autant du côté des alternos du coin, des profs, des fonctionnaires, des paysans, des jeunes, des vieux : va falloir qu’on soit deux fois plus nombreux à se bouger les fesses pour leur faire peur…
– Et la bite à Griveaux ?
– …
– En tout cas c’est toujours jubilatoire de voir des têtes tomber, Weinstein, tous ces mâles alpha qui se croient surpuissants et intouchables. Et puis cette effervescence de livres, de manifs et d’actions féministes… M’enfin y’a encore du taf. Vous avez vu que Polanski vient de gagner des Césars ? C’est ouf ! Des militantes ont bien tenté d’enfoncer les lignes de flics devant le tapis rouge…
– Dans toutes ces luttes, il y a des petites victoires mais bon, le sentiment de défaite persiste non ? Les retraites passent, les femmes ont toujours la deuxième place…
– C’est justement ça qu’il faut battre en brèche ! Si on se cantonne pas à une vision réformiste, alors faut le dire bien fort : l’important est que notre camp se renforce, s’organise, qu’on aiguise nos lames bordel ! Que ce soit dans le combat des femmes ou dans les luttes sociales !
– Faut te calmer, on a bien besoin de petites victoires pour galvaniser les troupes…
– Et on parle pas de la bite à Griveaux ?
– …
– Tiens, je remettrais bien une cartouche à La Depêche. C’est pas gratos, hein, plus tu creuses plus tu trouves, on dirait qu’ils donnent le bâton pour se faire battre. Des éditos de gros nazes, entre une pub pour Lidl et….
– Bon, tu nous gonfles avec La Dépêche et ta fixette sur les aveyronnais. Tu mènes campagne ou quoi ? Ah, il se met à vouloir voter aux municipales celui-là, manquerait plus qu’il nous parle de révolution à travers les urnes. Reprends ton papier sur les riches ! Envoie le pâté !
– Hé on va chercher des pizzas ?
– Arf, encore ?
– Ouais, et fais gaffe, parle à personne, surtout si tu croises des gens de la Manif pour tous, va pas nous ramener le coronavirus.
– Alors on parle pas de la bite à Griveaux ?
– …